REPORTAGE E1. Le premier réflexe d'un surveillant de prison qui prend son service est d'oublier son nom, et celui de ses collègues. Ceux qu'Europe1 a pu rencontrer mardi, lors de sa matinale spéciale en direct de Fleury-Mérogis, s'appellent donc entre eux "surveillant" ou "chef", par précaution, pour ne dévoiler aucun prénom aux détenus. Récit d'un quotidien sous tension permanente.
Un tourbillon de sons. Leur quotidien est d'abord parsemé de bruits, premier élément qui frappe les sens de l'observateur non habitué dans les couloirs interminables de la plus vaste maison d'arrêt d'Europe. Il y a la musique qui passe sous les portes blindées, les voix qui surgissent des haut-parleurs ou grésillent dans les talkies-walkies. Et dans cette ambiance, ils sont des centaines de "matons" à faire en sorte d'assurer la sécurité. Ils surveillent chaque mouvement de détenus, chronomètrent leurs moindre faits et gestes, afin de détecter tout comportement suspect.
"La malchance de croiser mon regard". "On les connait très bien. Si un détenu qui nous dit régulièrement bonjour et esquive d'un coup notre regard, ça devient suspect. Le dernier détenu qui a eu la malchance de croiser mon regard et de baisser la tête, alors qu'il faisait parler de lui régulièrement, on a découvert une puce de portable et une batterie dans ces chaussettes", raconte un surveillant, dans le métier depuis 15 ans, au micro d'Europe1.
Des cris et des insultes. Le quotidien d'un surveillant, c'est aussi parfois la tension, qui monte très vite. Un détenu proteste parce qu'on l'empêche de descendre en promenade avec un livre religieux, et un autre profite du chamboulement pour élever la voix et les insultes, parce que l'installation de sa télé a pris trop de temps. C'est l'une des scènes courantes du centre pénitencier, à laquelle a pu assister Europe1, lundi. Un peu après 18h, toujours lundi, on a également vu un détenu mettre le feu à quelques papiers, et faire un malaise quand les surveillants arrivent. "Simulation classique", commentent simplement ces derniers. La relève de nuit devra quand même passer toutes les heures, pour vérifier que le détenu se porte bien.
"Il y a l'aspect humain". "La société nous demande de changer des personnes, mais elles se comportent rarement mieux que quand ces dernières étaient à l'extérieur", constate un surveillant. "Nous ne sommes pas seulement des porte-clés (surnom que leur donne certains détenus ndlr). Il y a l'aspect humain. On parle souvent des méfaits de l'administration pénitentiaire envers les détenus, mais on parle moins souvent du nombre de détenus qu'on a pu sauver dans n'importe quelle circonstance", regrette-t-il également.