Une mise en examen. C’est l’histoire d’un fils qui ne voulait pas que sa mère perde le grand jardin de sa grande demeure familiale dans la petite commune landaise d’Uchacq-et-Parentis. C’est l’histoire d’un ex-conseiller de Christine Lagarde au ministère de l’Economie qui aurait alors usé alors de son influence pour faire modifier le tracé d’une ligne à grande vitesse. C’est l’histoire de François-Gilles Egretier, mis en examen pour prise illégale d’intérêt par le juge Renaud Van Ruymbeke, qui enquête sur cette affaire, rapporte mardi Sud Ouest.
Un tracé finalement modifié. Tout commence début 2010, lorsque Réseau Ferré de France (RFF) valide un fuseau (un tronçon) de la future ligne Bordeaux-Bilbao sur la commune d’Uchacq-et-Parentis, à quelques kilomètres de Mont-de-Marsan. Les élus et les quelques 600 habitants sont sous le choc, pas moins de 60 propriétés étant concernés par le futur passage du train. Dont celle de la mère de François-Gilles Egretier. Débute alors un intense lobbying dans lequel le conseiller ministériel pourrait avoir joué un rôle décisif. Toujours est-il que quelques mois plus tard, RFF modifie son tracé, qui passe désormais trois kilomètres plus au nord. Sauf que la quinzaine d’habitants concernés par ce nouveau tronçon décident de porter plainte. Et font naitre l’affaire.
La gaffe de la gazette municipale.Sud Ouest rapporte que le bulletin municipal d’Uchacq-et-Parentis a bien involontairement donné du grain à moudre au juge Van Ruymbeke. "Suite à l’intervention d’un habitant de la commune qui s’est rappelé aux bons soins de M. François Fillon, son cabinet répond faire suivre à M. Bussereau (alors secrétaire d’Etat aux Transports) en lui demandant de procéder à un examen attentif de ce dossier", écrivait ainsi le maire Jean-Claude Lalagüe en février 2010. Avant de conclure d’un significatif : "Merci à M. Egretier, notre antenne parisienne."
Des emails compromettants. Outre ce bien maladroit éditorial, des mails tendent à aussi prouver l’action de François-Gilles Egretier auprès de Dominique Bussereau. "Je vais entrer en contact avec un de mes confrères au cabinet Bussereau pour piloter plus finement l’avancée du projet", écrivait ainsi le conseiller de Christine Lagarde au maire Lalagüe. Lequel avait lui-même envoyé un mail à d’autres élus : "à l’initiative de M. Egretier, rendez-vous à Paris, le 9 ou 10 février, avec M. Delion, le directeur de RFF, pour une matinée de travail".
"Un ballon d’oxygène". "Cette mise en examen est un grand pas vers ce qui semble être la manifestation de la vérité", s’est félicité Me Adrien Ville, avocat de l'association "Les voix du fuseau nord", qui avait déposé une plainte en 2010 au parquet de Mont-de-Marsan, classée sans suite en 2012. Me Ville avait alors saisi le doyen des juges d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile, cette fois au nom des 15 riverains touchés par le déplacement de 3.000 mètres du fuseau du tracé de la LGV. Robert Tauziat, porte-parole des plaignants, a évoqué son "immense satisfaction". "C'est un ballon d'oxygène après un combat de trois années (...) où nous avons été humiliés, roulés dans la farine", dans "un combat du pot de terre contre le fer", a-t-il dit.
Le maire Lalagüe se désole. "Le tracé, c’est moi qui l’ai dessiné, il est bien meilleur pour la collectivité. Cette mise en examen est injuste, François-Gilles Egretier ne m’a servi que de boîte aux lettres", affirme Jean-Claude Lalagüe dans Sud Ouest. "M. Egretier a peut-être voulu se donner une importance qu’il n’avait pas", argue-t-il encore, avant de conclure sur un ultime argument : "même Michèle Alliot-Marie n’a pas pu faire bouger le fuseau du Pays basque".