L'INFO. La journaliste Natalie Nougayrède a été nommée vendredi directrice du journal Le Monde, après un vote favorable de la Société des rédacteurs du Monde (SRM) et devient ainsi la première femme à prendre la tête du prestigieux quotidien. Cette ancienne journaliste respectée, ancienne de Libération a, durant toute sa carrière, suivi les questions internationales et de diplomatie, en particulier en Europe de l'Est et en Russie. Sa candidature avait été retenue en février par les trois actionnaires du groupe Le Monde, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Elle a été élue avec 79,4% de voix alors qu'elle ne nécessitait de seulement 60% des suffrages de la Société des rédacteurs.
L'ex-Yougoslavie avant Paris. Diplômée de l'Institut d’Études politiques de Strasbourg et du Centre de formation des journalistes de Paris, elle a d'abord travaillé comme correspondante dans l'ex-Yougoslavie et d'autres pays d'Europe Centrale pour Libération, RFI ou encore la BBC. Elle fait ses premiers pas au Monde en 1996, où elle est successivement correspondante en Ukraine puis à Moscou. Elle rejoint ensuite la rédaction parisienne au service étranger.
Ceux qui la connaissent soulignent sa droiture et sa fidélité en amitié. "Elle conjugue douceur et détermination, sans concessions", dit d'elle un de ses confrères du Monde. "C'est une pure et dure, travailler au Monde lui va comme un gant, c'est une bonne incarnation de notre institution", sourit un autre. Pour un ancien collègue du journal, "Natalie est une méfiante, un peu timide mais très dans le 'style' du Monde, une hauteur de vue qui peut passer pour de l'arrogance mais qui n'en est pas".
Une intransigeante, néophyte de la hiérarchie. Ses détracteurs lui reprochent toutefois un manque de charisme et s'interrogent sur sa conception de l'exercice du pouvoir, d'autant qu'elle n'a jamais occupé de fonctions hiérarchiques. "Saura-t-elle résister aux formidables pressions auxquelles elle va être exposée? Pressions des actionnaires du journal, pressions politiques, pressions d'une rédaction difficile qui est tiraillée entre les tenants d'un Monde 'Canal historique' et ceux de la génération digitale", s'interroge une journaliste au Monde depuis 30 ans.
Réputée pour son intransigeance, Natalie Nougayrède avait notamment été déclarée persona non grata au ministère des Affaires étrangères pour des informations ayant déplu à un certain Bernard Kouchner, alors locataire du Quai d'Orsay. "C'est une 'sérieuse appliquée', son écriture et ses papiers le montrent bien", souligne un de ses confrères.
Prix Albert Londres en 2005. Son travail a été récompensé par ses pairs à deux reprises : elle a reçu en 2004 le Prix de la Presse diplomatique qui récompense l'ensemble des articles de l'année écoulée. En 2005, elle est lauréate du prix Albert-Londres, considéré comme le Pulitzer français, pour ses reportages en Tchétchénie et la tragédie de l’école de Beslan.
"Bien souvent elle force le respect", dit d'elle un journaliste de télévision. "Lors d'un voyage officiel de Sarkozy, elle s'était insurgée violemment contre la présidence de la République qui ne donnait aucune information, juste après un porte-parole a été désigné pour nous 'briefer', chapeau bas!", raconte-t-il. "Solitaire et secrète", commente encore un haut fonctionnaire qui la connaît bien. Peu portée sur les mondanités, même si elle doit s'y plier, Natalie Nougayrède est toujours restée discrète sur sa vie privée, tout comme son prédécesseur Erik Izraelewicz, brutalement disparu en novembre 2012.