Anne Cadiot-Feidt a été élue en novembre dernier, et à une large majorité avec 578 voix sur 710, "bâtonnier désigné" de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux. Elle succèdera donc à l'actuel bâtonnier à l'issue du mandat de celui-ci, après un vote de confirmation. L'élection d'une femme à la tête de l'ordre, qui compte 56,7% de femmes parmi ses quelque 1.300 avocats, constitue une première en Gironde. Et la polémique n'a pas traîné...
"Est-ce qu’une femme a les capacités ?"
Dans un reportage sur la désignation d'Anne Cadiot-Feidt diffusé début décembre sur France 3 Aquitaine, un de ses confrères s'interroge à haute voix, dans des propos repérés par Rue 89, sur la capacité d'une femme à assumer un tel poste. "D’après moi, il faut avoir les épaules larges. Et surtout au pénal, il faut avoir les épaules très larges. Est-ce qu’une femme a les capacités pour le faire ?"
Me Pierre Blazy s'interroge dans un reportage de France 3 Aquitaine :
Et cet avocat qui n'est autre que l'un des ténors du barreau de Bordeaux, de poursuivre : "je ne veux pas critiquer, mais vous n’avez pas d’avocates qui soient des avocates de renom, connues comme de grandes pénalistes. Ça n’existe pas". Me Blazy assure se poser la question "avec tous les problèmes qu’il y a actuellement : est-ce qu’une femme a les capacités pour supporter le poids de toutes ces affaires ? "
L'avocat persiste et signe, la profession condamne
Interrogé mercredi, Me Blazy a réitéré ses propos à l'AFP. En droit pénal, "je me demande si une femme bâtonnier a les épaules assez larges", a-t-il dit, assurant toutefois que son cabinet avait voté pour cette avocate, qu'il juge "excellente". "Si j'ai besoin du bâtonnier pour me défendre dans une affaire professionnelle je préfère que cela soit un homme", a-t-il ajouté. "Est ce que vous voyez une femme assurer aux assises une défense comme Me Eric Dupond-Moretti ?", a-t-il ajouté en référence à ce pénaliste de renom à la carrure imposante.
Le bâtonnier en exercice Bernard Quesnel avait condamné ces propos mardi, les jugeant "consternants" dans un entretien à Sud Ouest. Me Gérard Boulanger, pénaliste réputé et ami de Me Blazy, a estimé que son confrère est "un sincère provocateur". "Il est très malicieux. Il sait très bien que pour faire le 'buzz', il faut dire une énormité", a-t-il ajouté. "De la robe noire à la burqa il n’y a qu’un pas, que d’aucuns rêvent de nous voir franchir", a pour sa part réagi la section locale du Syndicat des avocats de France (SAF), dirigée par Me Isabelle Raffard.
"Le reflet d'une société passée"
Réponse d'Anne Cadiot-Feidt, qui a réagi sur TF1 News à des propos qu'elle qualifie de "machistes, ineptes et d'une sottise consommée" : "qu'ils émanent d'un avocat ou d'un non avocat, ils sont le reflet d'une société passée". Du haut de ses 27 ans en tant qu'avocate, Me Cadiot a souligné qu'il ne reste en France qu'un seul barreau jamais dirigé par une femme, celui de Marseille.
Pour rappel, les femmes diplômées en droit sont autorisées à prêter serment depuis... 1900, soit 112 ans. Et c'est en 1959, à Versailles, qu'une femme a été élue bâtonnier pour la première fois. En 1996, Dominique de La Garanderie a, elle, été la première femme élue au barreau de Paris, le plus important de France avec 23.000 avocats. L'actuel bâtonnier du barreau de Paris, Christiane Féral-Schuh, a quant à elle pris ses fonctions au 1er janvier 2012.