Odyssée à travers la France. C’est la fin d’un long voyage à travers la France pour Rosen Hicher. Un voyage entamé le 3 septembre dernier, qui s’achève ce dimanche devant le Palais du Luxembourg, à Paris. Entourée d’une dizaine d’ex-prostituées, Rosen Hicher s’est dirigée vers le siège du Sénat, un tournesol à la main.
Elle espère que sa démarche va "réveiller" et "enfin bouger" les sénateurs, qui avaient supprimé le principe de la pénalisation des clients en commission, alors que l’Assemblée nationale l’avait adopté en décembre dernier. "Laisser le droit aux clients de nous acheter, c'est laisser le droit aux proxos de nous vendre: tant qu'il y aura de la demande, il y aura de la vente; quand on interdira l'achat, il n'y aura plus de vente et plus de victime", avait-elle expliqué lors de son départ de Saintes, "la dernière ville où j'ai vendu mon corps".
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22 ans de prostitution. Rosen Hicher s’est prostituée durant 22 ans après un licenciement qui la laissait sans ressources pour nourrir ses enfants. Interviewée par Europe 1, elle se souvient : "J’ai vu une annonce sur un journal qui disait bar cherche hôtesse. J’ai l’impression d’avoir été abandonnée à ce moment là, on m’a laissé rentrer dans ce monde, et on n’a rien fait pour m’en sortir. Moi je dis ‘stop’, il ne faut plus qu’aucune fille sur terre qui soit mise en esclavage. Si on veut que la prostitution s ‘arrête, il faut pénaliser le client pour le responsabiliser".Elle était parvenue à se sortir de cette condition en 2009, et a écrit un livre sur son histoire compliquée. Elle est retournée dans la journée sur le lieu de ses premières passes, rue du Colisée, près des Champs-Elysées. Pour boucler la boucle.
A son arrivée à Paris, elle a raconté avoir rencontré tout au long de sa marche depuis Saintes (Charente-Maritime) le soutien d'élus et citoyens. Parmi les rencontres qui l'ont marquée, celles de nombreux hommes. Ces clients, occasionnels ou réguliers, ont reconnu que leurs relations avec des prostituées avaient représenté "un échec sexuel, un échec dans leur vie", a-t-elle relaté.
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Une tribune de soutien signée par des maires de grandes villes. "La prostitution n’est pas un droit, on n’a pas le droit d’acheter une femme ou de la vendre", a-t-elle déclaré à son entrée dans Paris vers 11 heures ce matin. En parralèle de son action, des élus locaux ont écrit une tribune dans le Journal du dimanche appelant ausis les sénateurs à rétablir ce principe dans la loi. Dans la tribune signée notamment par les maires socialistes de Paris Anne Hidalgo, de Nantes Johanna Rolland, de Strasbourg Rolland Ries, mais aussi leurs collègues UMP d'Orléans Serge Grouard ou de Mulhouse Jean Rottner, les élus rappelent que la "prostitution est d'abord une exploitation des plus vulnérables". Ils invitent les sénateurs "à adopter rapidement un texte équivalent, ou renforcé, à celui adopté à une large majorité par l'Assemblée nationale", sous-entendu, incluant la pénalisation des clients. Le Sénat n'a pas mis le texte à son agenda de séances.
Des initiatives soutenues par la secrétaire d’Etat chargée du Droit des femmes Pascale Boistard, qui a qualifié Rosen Hicher d’ "exemple vivant" pour les militants anti-prostitution. "Le Sénat se doit de rediscuter cette loi. Les Français y sont en grande majorité favorables", a-t-elle ajouté. Le projet de pénalisation des clients de prostituées impliquait l’instauration d’une amende à 1.500 euros, mais aussi le renforcement de la lutte contre le proxénétisme, une aide aux victimes et une politique d’éducation et de prévention auprès des jeunes.