Il s'agit d'une première en France. Une psychiatre doit répondre mardi d'"homicide involontaire". Le tribunal correctionnel de Marseille se penche en effet sur la responsabilité de la spécialiste dans la mort d'un octogénaire, assassiné à Gap en 2004 par un homme schizophrène qu'elle avait laissé sortir pendant quelques jours.
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L'état mental du patient en question
Le 9 mars 2004, Joël Gaillard, hospitalisé à l'hôpital Edouard-Toulouse depuis 2001, tue à coups de hache un homme de 83 ans, devant son domicile à Gap. Le meurtrier présumé séjourne alors dans l'établissement dans le cadre d'une hospitalisation d'office après une série d'actes de violence, dont une tentative d'assassinat. Mais il a été jugé irresponsable pénalement en raison de son état psychologique.
La victime, Germain Trabuc, était le compagnon de sa grand-mère, à l'égard duquel il avait déjà proféré des menaces. Pour l'avocat de la famille Trabuc, Me Gérard Chemla, Joël Gaillard est "un malade mental qui commet des actes de violence régulièrement, de plus en plus graves, et qui, à chaque fois qu'il est arrêté et déclaré irresponsable, se retrouve dans les mains de cette psychiatre, qui l'autorise à sortir".
Me Chemla souligne que le Dr Canarelli l'a laissé repartir à l'issue de la consultation à laquelle il devait se rendre chaque semaine pendant son congé d'essai. Le meurtrier présumé se trouvait pourtant "dans un état anormal, était manifestement en rupture de traitement et ne disposait pas de neuroleptiques à action prolongée". Pour sa défense, la psychiatre apporte un tout autre son de cloche et assure à La Provence que son patient "n'était ni délirant, ni confus, sinon je ne l'aurais pas reçu seule".
"Les psychiatres ont peur"
Malgré ces justifications, le fils de l'octogénaire a porté plainte contre l'hôpital et l'Etat. Il déplore en effet que le suspect, placé en établissement psychiatrique après avoir essayé de tuer le maréchal-ferrant du centre équestre dont il était pensionnaire, ait bénéficié d'un non-lieu malgré une mise en examen pour "homicide volontaire avec préméditation".
Joël Gaillard avait néanmoins été placé en établissement psychiatrique après avoir essayé de tuer le maréchal-ferrant du centre équestre dont il était pensionnaire. Dans l'affaire de l'assassinat de Germain Trabuc, il a cette-fois cette fois-ci été mis en examen pour "homicide volontaire avec préméditation" avant de bénéficier d'un non-lieu.
Avec l'ouverture de ce procès, Michel Trabuc, déjà indemnisé à hauteur de 15.000 euros, espère maintenant que la responsabilité de la psychiatre dans le meurtre de son père soit clairement établie. "C'est le procès du suivi médical de ces schizophrènes, multi-récidivistes et extrêmement dangereux", estime le fils de la victime sur Europe 1. "Les psychiatres ont peur que ça fasse jurisprudence, et c'est ça le gros débat. Vous savez un non-lieu, c'est quoi ? C'est qu'il ne s'est rien passé. Non. Parce que moi j'ai vu mon père dans une marre de sang le 9 mars 2004 et c'est gravé dans ma tête et ça, je ne l'oublierais jamais", commente-t-il ému au micro d'Europe 1.
"J'ai vu mon père dans une marre de sang" :
"Le risque zéro est impossible"
De leur côté, les collègues de la psychiatre assurent que leur collègue ne pouvait pas anticiper le drame. Si Dr Canarelli est condamnée", ça conforte l'idée que l'on peut prévoir l'avenir. Comment peut-on savoir ce que quelqu'un va faire des semaines après ? Le risque zéro est impossible donc nous sommes très inquiet sur ce à quoi cela peut aboutir", confie Alain Abrieu, un psychiatre qui travaille à l'hôpital Édouard Toulouse avec le Dr Canarelli.
La psychiatrie est le bouc émissaire de cette histoire :
Selon lui, une telle condamnation menacerait fortement la profession de psychiatre. Et de s'alarmer : "ça inquiète les professionnels qui vont se sentir coincé dans leur pratique et ne plus avoir la sérénité d'esprit suffisante pour prendre les meilleures décisions pour les patients. La psychiatrie est le bouc émissaire de cette histoire".