Le vote. Les députés ont planché et corrigé la copie du gouvernement : le redoublement d'une année scolaire va devenir "exceptionnel". L'Assemblée a en effet voté, dans la nuit de jeudi à vendredi, un amendement PS en ce sens, dans le cadre du vote du projet de loi sur la refondation de l'école. Les élus ont ainsi décidé d'aller plus loin que le texte initial, qui recommandait simplement de "poursuivre la réduction progressive" du nombre de redoublements. Le gouvernement a apporté son soutien à l'amendement. Il devra, en même temps que la loi sur l'école, ensuite être débattu au Sénat au mois d'avril.
>> Qu'entendent les députés par "exceptionnel" ? Cet amendement fait-il l'unanimité ? Le redoublement est-il vraiment inefficace ? On vous explique.
Redoublement "exceptionnel", ça veut dire quoi ? Les députés n'ont pas voulu fixer de quotas et dire combien de redoublements seront autorisés chaque année. Ce qu'ils veulent surtout, c'est que le procédé soit limité au maximum. L'idée est que l'apprentissage scolaire devienne plus progressif, davantage étalé dans le temps, dans le cadre des "cycles" et non plus de l'année scolaire. Les cycles regroupent plusieurs niveaux de classe, et le projet de loi prévoit de revoir leur nombre et leur durée. Un élève ne devra plus redoubler en milieu de cycle, même s'il a fait une mauvaise année. Les députés refusent, par exemple, de faire redoubler un enfant en fin de CP parce qu'il a des difficultés en lecture. Ce qui compte c'est qu'à la fin de son cycle (en CE1 dans ce cas là), il ait appris à lire.
Quelles seront les exceptions ? La députée-maire PS du Nord et ex-institutrice, Anne-Lise Dufour-Tonini, qui a déposé l'amendement, refuse de parler "d'interdiction." Elle a détaillé la philosophie de l'amendement au micro d'Europe 1 : "le redoublement doit se limiter à des situations bien particulières, lorsqu'un enfant manque de maturité ou lorsqu'il a rencontré dans sa vie personnelle des faits qui l'ont empêché de profiter pleinement d'une année scolaire, une hospitalisation par exemple." Des exceptions qui ont conduit les députés à ne pas supprimer purement et simplement le redoublement. "Mais il faudra réfléchir très longuement avant de le proposer. Ce ne doit pas être quelque chose de normal", prévient la députée.
L'amendement a-t-il fait l'unanimité ? Au-delà du PS, l'amendement a trouvé les faveurs des écologistes. La coprésidente du groupe écologiste, Barbara Pompili, reconnait ainsi que "si le redoublement était rendu exceptionnel, cela entraînerait une évolution des pratiques pédagogiques". A l'inverse, l'UMP est moins emballée. La députée Annie Genevard juge ainsi que "si le redoublement n'est pas forcément la réponse univoque, on ne peut pas totalement partir du principe qu'il faut le réduire fortement jusqu'à extinction".
Redoubler : seconde chance ou punition ? Le débat divise le corps enseignant depuis des années. La France a le taux de redoublement le plus élevé au monde : 38% des élèves ont ainsi redoublé au moins une fois dans leur vie, selon Les Echos. Et plusieurs études ont montré que c'était plutôt improductif. L'une des dernières en date, citée par L'Express et menée par l'institut spécialisé de l'Union européenne Eurydice, le considère ainsi plus comme une "croyance propre à un système scolaire qu'un réel outil de réussite." Selon la chroniqueuse spécialisée d'Europe1, Sonia Deschamps, il faut ainsi le proposer "au cas par cas". "Il est difficile de dire si c'est bien ou pas bien. Si, en 6e, l'élève ne lit toujours pas, une année supplémentaire ne va pas changer les choses. Il fait alors consulter une orthophoniste, chercher ailleurs l'origine des difficultés", détaillait-elle en juin dernier. "Tout est une question d'adaptation, personne n'apprend de la même manière".
>>> Pour réécouter la chronique de Sonia Deschamps, c'est ici :
Selon les spécialistes, le redoublement est ainsi plutôt déconseillé en primaire. En revanche, il peut être efficace au collège, particulièrement en 3e. "Cela peut être intéressant pour tenter de passer en filière générale, avant de définitivement s'orienter vers une filière professionnelle", décrypte Sonia Deschamps. En 2nd également, cela peut-être utile pour changer de filière ou avoir un meilleur dossier. "Le redoublement peut, enfin, permettre de prendre confiance en soi. Changer d'école peut également être le moyen de repartir à zéro, de se faire une nouvelle réputation auprès des profs", poursuit-elle. Au-delà des débats pédagogiques, il reste néanmoins un argument, de taille, contre le redoublement : son coût. Selon les estimations, la facture pour l'Etat s'élèverait en effet entre 2 et 2,5 milliards d'euros par an.
L'Assemblée nationale devait par ailleurs achever, en principe dans la nuit de vendredi à samedi, l'examen du projet de loi de "refondation de l'Ecole de la République", soumis à un vote global mardi prochain.