• Pourquoi le projet fait polémique
Roybon, Sivens, même combat ? Depuis le 20 octobre, cette commune de l’Isère de 1.200 habitants troque son habituelle quiétude pour une agitation exceptionnelle, encore illustrée dimanche par une manifestation où 500 à 1.500 personnes se sont réunies. Un mois de rassemblement et d’actions coup de poings organisés par le collectif Zad (Zone à défendre) pour ralentir les travaux de défrichage lancés dans la forêt de Chambaran, non loin du plateau du Vercors. Un mois de mobilisation des défenseurs de l’environnement contre un projet de construction d’un village vacances, un Center Parcs, comme il en existe déjà six en France. Ces camps sont construits par le groupe Pierre et Vacances, et celui qui pourrait voir le jour dans la forêt de Chambaran en 2017 devrait s’étendre sur 150 hectares : un millier de cottages, des commerces et des restaurants installés tout autour d’une bulle transparente, maintenue à 29 degrés, avec piscine et jacuzzi.
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• Pourquoi le projet est soutenu par la classe politique
Création d’emplois, rentrée fiscale et activité économique d’un côté, zone humide massacrée, absence de débat public et loi sur l’eau bafouée de l’autre, les débats autour de ce projet, maintes fois retardé par des recours en justice depuis 2007, sont vifs. La classe politique locale semble acquise à la cause du projet, comme le montre cet article du magazine du Conseil général de l’Isère : "Le domaine, créé dans un souci de préservation de la biodiversité locale et de l’environnement, sera ouvert toute l’année et dynamiserait fortement l’économie locale avec à la clé, la création de 700 emplois non délocalisables. Quant aux retombées touristiques pour l’Isère et la région, elles sont évidentes".
Parmi ces élus convaincus, André Vallini (PS), ancien président du conseil général et actuel secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, mais aussi Marcel Bachasson, ancien maire de Roybon, qui résume bien le calcul des édiles : "Les commerçants attendent Center Parcs avec impatience. On a besoin d'activité économique. Sous prétexte qu'on a 33.000 hectares de forêt, on ne va pas rester à regarder tomber les châtaignes à l'automne". Sans compter que l’investissement de 370 millions d’euros serait synonyme de deux ans de chantier pour les entreprises locales du bâtiment et générerait, dès 2017, 390 emplois équivalents temps plein, soit 700 postes à temps partiel.
• Le combat : Pierre et Vacances contre les associations
Si le groupe Pierre et vacances met en avant que le site ne s’étendra que sur 0.42% de la surface de la forêt et affirme que le projet "intègre la variable environnementale", ces arguments n’ont pas convaincu les défenseurs de l’environnement. Lancé en 2007, le projet a été maintes fois retardé par des recours en justice. Aujourd'hui, les opposants s'appuient sur les conclusions de la commission d'enquête publique au titre de la loi sur l'eau, qui a rendu à l'unanimité un "avis défavorable" au projet en énumérant 12 critiques. Qualifiant le projet de "rédhibitoire", elle a notamment pointé l'absence de débat public et un impact sur les zones humides évalué "a minima" entre 110 et 120 hectares. "Dix fois Sivens!", crient les opposants. "C'est une aberration. Le lieu d'implantation est le point de naissance de deux rivières. C'est un espace entièrement naturel et jamais impacté par l'homme en 700 ans", souligne Francis Meneu.
"Pourquoi détruire toute cette nature pour créer un environnement artificiel sous une bulle tropicale?", demande Stéphane Péron, président de l'association d'opposants "Pour les Chambaran sans Center Parcs" (PCSCP), en évoquant un "carnage" pour l'environnement. Avec la Frapna et la Fédération de pêche de la Drôme, son association a déposé un recours en référé au tribunal administratif de Grenoble pour faire arrêter l'abattage des arbres qui touche déjà plus de 30 hectares. Une audience est prévue le 12 décembre.
Le chantier est l'objet de "harcèlement" et d'actes de "vandalisme" presque "toutes les nuits", selon Éric Magnier, directeur grands projets du groupe Pierre & Vacances-Center Parcs, qui cite notamment des clôtures détériorées, des piquets de géomètre déplacés et un incendie de matériel. "On est obligé de déplacer les engins de défrichement toutes les nuits", précise-t-il, indiquant que les travaux ont déjà pris quinze jours à trois semaines de retard. La médiatisation grandissante de la lutte contre ce projet et les recours engagés contre lui par ses opposants pourraient bien retarder encore un peu plus l’avancée du chantier.