L'espoir renaît chez les victimes de l'amiante. La Cour de cassation a donné tort mardi à la cour d'appel de Paris qui avait annulé en décembre 2011 six mises en examen dans l'enquête sur la mort d'anciens salariés du groupe Eternit, spécialisé dans l'amiante. Cet arrêt ouvre donc la voie à un procès pénal à l'instar de celui qui a vu condamner à seize ans de prison deux dirigeants d'Eternit en février 2012, en Italie. Europe1.fr fait le point sur ce scandale sanitaire.
A quand remontent les premières plaintes ? Les premières plaintes pénales de travailleurs exposés à l'amiante datent de 1996, mais selon l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, Andeva, les enquêtes se heurtent à la complexité du dossier et à un manque de moyens et de volonté politique d'établir les responsabilités. Jusqu'à présent, aucune n'a débouché sur un procès. "Il y a une quarantaine de dossiers" en attente, selon l'avocat de nombreuses victimes, Me Jean-Paul Teissonnière.
Où en est la procédure ? Le 16 décembre 2011, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris avait annulé six mises en examen de dirigeants d'Eternit. Parmi elles, celle de Joseph Cuvelier qui a dirigé le premier producteur d'amiante-ciment de 1971 à 1994. En novembre 2009, il avait pourtant été mis en examen pour "homicides et blessures involontaires". Il lui est reproché l'absence de mesures de sécurité nécessaires pour protéger les salariés de l'exposition aux fibres d'amiante dans cinq usines du groupe Eternit.
Ces annulations ont été décidées en raison de l'insuffisance de précision sur la période de temps couvrant les faits reprochés, ainsi que sur l'absence de spécification des lois invoquées pour justifier la qualification des mises en examen.
Au total, 31 parties civiles dont l'Andeva) ou la Fnath (accidentés de la vie) ont donc demandé à la Cour de "casser" cette annulation. Arrêt qu'elle a donc rendu mardi. La Cour de cassation "renvoie la cause et les parties devant la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée".
"La chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris avait donné un grand coup de frein à la procédure. Là, on a de nouveau l'espoir d'avoir un procès au pénal", s'est réjoui l'une des avocates des parties civiles, Me Sylvie Topaloff.
Désormais, un juge d'instruction devrait être nommé et le premier procès de l'amiante pourrait se tenir "l'année prochaine", a précisé l'avocate au Nouvel Observateur.
Quels sont les précédents ? En février 2012, le tribunal de Turin, en Italie, a condamné à 16 ans de prison les deux accusés du procès "historique" d'Eternit, le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis de Cartier de Marchienne. Stephan Schmidheiny, ex-propriétaire d'Eternit Suisse, a été un important actionnaire d'Eternit Italie de 1976 à 1986. Le baron belge de Cartier a été actionnaire et administrateur d'Eternit Italie au début des années 1970. Tous deux ont été jugés responsables de la mort de 3.000 personnes.
Un verdict "historique" :
En Suisse, il n'y a plus de plaintes au pénal. Les trois recours déposés contre les ex-propriétaires d'Eternit dans le pays, Thomas et Stephan Schmidheiny ont été jugés prescrits en 2008.
En Belgique, un tout premier jugement au civil a accordé le 28 novembre 2011 une indemnisation de 250.000 euros à la famille de victimes de l'amiante. Le tribunal civil de Bruxelles a jugé Eternit responsable de la mort en 2000 de la femme d'un ingénieur de l'usine décédé 13 ans plus tôt à cause de l'amiante et dont deux des cinq fils ont succombé pour la même raison.
Aux Etats-Unis, depuis la décision de la Cour Suprême "Borel v. Fibreboard Paper products Corporation" en octobre 1974, précise le site Les Echos, les plaintes ne cessent de se multiplier. La plus haute autorité judiciaire américaine y affirme que les producteurs et distributeurs de matériaux contenant de l'amiante sont susceptibles d'être condamnés à payer des dommages aux travailleurs malades de l'amiante. Entre 1970 et 2002, 730.000 personnes ont déposé plainte aux Etats-Unis contre les producteurs d'amiante selon une étude de la fondation Rand Institute for Civil Justice, ajoute le quotidien économique. Coût total de la facture ? 70 milliards de dollars, soit un peu plus de 56 milliards d'euros.
Que sait-on sur la nocivité de l'amiante ? Son caractère cancérigène est connu depuis les années 1950. Le premier décret réglementant son usage ne date que de 1977 et son interdiction de 1997. En France, l'amiante est jugée responsable de 10% à 20% des cancers du poumon et devrait être responsable de 100.000 morts d'ici 2025, selon les autorités sanitaires.