Un rapport propose de donner des moyens supplémentaires aux services de renseignement.
C'est une première depuis 1948. Une mission parlementaire s'est penchée durant sept mois sur les carences des six services de renseignement français. Le volumineux rapport de 200 pages, publié mardi, pointent en particulier du doigt la fameuse Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), issue de la fusion controversée en 2008 des services de contre-espionnage et des renseignements généraux.
Intitulé "Pour un 'État secret' au service de notre démocratie", le rapport vise à "légitimer l'action de la communauté du renseignement pour sécuriser ses moyens, protéger ses personnels et contrôler son usage", a résumé Jean-Jacques Urvoas, président PS de la commission des lois et rapporteur de ce texte. Europe1.fr fait le point sur les conclusions de ce rapport.
Comment ça se passe à l'étranger ? Dans son rapport, Jean-Jacques Urvoas souligne le retard de la France dans l'encadrement de ces services de renseignement. "Alors qu'il compte parmi les plus anciennes nations démocratiques, notre pays est le dernier à ne pas avoir établi un cadre normatif adapté. (...) Les services français agissent sans base légale et en dehors de tout contrôle hiérarchique et interne", indique le rapport final de la mission parlementaire.
De nombreux pays occidentaux, comme la Belgique et le Canada, ont en effet instauré un système de contrôle autonome et apolitique, rappelle Le Monde. Aux États-Unis, en Allemagne et en Israël c'est aux parlementaires de surveiller de près le fonctionnement de leurs services de renseignement. En Grande-Bretagne un comité spécial composé de parlementaires et rattaché au Premier ministre, a même été instauré.
Quelles lacunes en France ? En France, une délégation parlementaire au renseignement (DPR) a bien été créée en 2007, mais elle est seulement chargée du suivi des différents services et son travail est jugé "mitigé" par la mission de Jean-Jacques Urvoas qui déplore la vacuité de ses rapports publics annuels".
Résultat : La France a connu de nombreuses "crises" au sein de ses différents services de renseignement sans qu'aucune mesure n'ait été prise pour y remédier. L'affaire Merah ou celle de Tarnac, où les services ont été mis en cause, en sont l'illustration récente. "Il faut sortir les services de leur opacité", insiste ainsi Jean-Jacques Urvoas, "toujours entre Ben Barka et le Rainbow Warrior", deux affaires ayant secoué le Renseignement, qui n'est "pas un outil sale".
Vers un cadre juridique renforcé ? Les rapporteurs plaident pour une véritable loi afin "de définir les missions du Renseignement" ce qui leur donnera, disent-ils, des "outils et un cadre pour sécuriser leurs moyens et protéger leurs personnels".
En d'autres termes, Jean-Jacques Urvoas propose de donner un cadre juridique aux 11.000 agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la DCRI. Jusqu'ici, le cadre juridique de ces quatre grands services n'avait pas été inscrit dans la loi mais fixé par des décrets souvent succincts.
Les services davantage contrôlés ? Le renforcement du contrôle des services, embryonnaire depuis une dizaine d'années en France, est en effet au centre des propositions des parlementaires. La mission plaide pour qu'il soit effectué en interne par un service d'inspection, une sorte de "police des polices".
Surtout, il veut créer une commission de contrôle de l'activité du renseignement qui absorberait la Commission nationale des interceptions de sécurité (CNIS) par qui passe actuellement toute demande d'écoutes. Cette "Haute autorité", composée de magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État, "donnerait les autorisations d'écoutes et tous les moyens de collecte du renseignement", selon Jean-Jacques Urvoas. Elle aurait aussi son service d'enquête et pourrait être saisie par des citoyens ou des parlementaires en cas de litiges ou abus.
Renforcer les moyens d'actions des services ? "Il est anormal que les conversations d’un bandit ou d'un jihadiste qui utilise le WiFi ou Skype ne puissent être captées, et que les agents soient quasiment désarmés face à l’éclosion d’Internet", considère le député socialiste qui entend encadrer ces pratiques et même autoriser de nouveaux procédés, rapporte Libération.
Par ailleurs, sous le feu des critiques depuis l'affaire Merah, la DCRI souffre, selon les rapporteurs du texte, de nombreux dysfonctionnements. Jean-Jacques Urvoas préconise notamment que la DCRI ne soit plus "dépendante" de la direction générale de la police et qu'elle soit "plus souple" en recrutant "des techniciens, linguistes, informaticiens, psychologues, banquiers" en lieu et place de policiers.
Voici le rapport de la mission Urvoas :
Rapport Renseignement