Il va devoir rembourser 17.900 euros. Comme 300 autres victimes de l'amiante dans le Nord, Yves Bus, 63 ans, ancien ouvrier d'Usinord, a du mal à réaliser ce qui lui arrive. Jeudi, la cour d'appel de Douai a en effet décidé qu'ils avaient été trop indemnisés pour le préjudice personnel subi. Conséquence : une indemnisation diminuée de moitié dans certains cas. Et certaines des victimes vont donc devoir rembourser une partie des sommes perçues, entre 5.000 et 20.000 euros.
Yves Bus a jugé sur Europe 1 cette décision "incompréhensible". Il dit avoir du mal à croire que la cour d'appel ait pu "faire un effet rétroactif sur ce qu'ils nous ont donné". "J'ai été victime de l'amiante, maintenant je suis victime de la justice", s'indigne-t-il.
Yves Bus ne sait pas comment il va pouvoir rembourser :
Pas d'emprunt possible
L'argent perçu, destiné à lui donner une "retraite plus agréable", a été dépensé et l'ancien ouvrier ne sait pas comment il va pouvoir rembourser les 17.900 euros. Avec son état de santé, il ne peut pas retrouver du travail. "Je ne peux même pas aller faire un emprunt à la banque parce que quand on est pris par l'amiante, on ne peut pas assurer les prêts", ajoute-t-il avant de lâcher : "je ne sais pas ce que je vais faire".
A l'origine de cette décision, un arrêt de la Cour de cassation qui prévoit la "linéarité" dans le calcul des rentes des victimes de l'amiante. Considérés comme des accidentés du travail, ils doivent voir leurs rentes calculées selon le modèle de l'Assurance maladie, moins généreux pour les personnes dont le taux d'incapacité est inférieur à 50%.
"Plus aucun recours"
Une fois la retraite atteinte, la rente, considérée alors comme une réparation pour préjudice personnel, doit être déduite des dommages et intérêts versés par ailleurs. Une situation que dénonce Me Michel Ledoux, avocat de l'Association régionale des victimes de l'amiante. "Aujourd'hui, si vous êtes victime d'un accident de la circulation ou d'un acte terroriste, vous êtes indemnisé intégralement de votre préjudice, or le seul accident de vie à ne pas l'être, c'est l'accident du travail ou la maladie professionnelle", déplore-t-il.
Fabienne Michelet, avocate au cabinet de Michel Ledoux, a expliqué sur Europe 1 les raisons de ce "revirement de jurisprudence". La cour d'appel de Douai avait dans un premier temps décidé de l'indemnisation des victimes. Mais, après le pourvoi en cassation, la composition de la cour avait changé et le tribunal est revenu sur la jurisprudence. Aujourd'hui, a-t-elle précisé, les victimes n'ont "plus aucun recours".