C'est un procès rarissime qui s'est ouvert devant les assises du Val-de-Marne. Un homme est jugé depuis mardi pour le viol de son ex-femme, qui était sa conjointe au moment des faits. Les procès pour viol conjugal sont en effet très rares en France. Au nom du devoir conjugal, peu de femmes osent porter plainte. Et lorsqu'elles le font, les faits sont parfois difficiles à établir. On vous explique pourquoi.
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Que dit la loi ? La loi française en matière de viol est très complète. L’article L.222-23 du Code pénal indique : "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle." La fellation, le coït ou encore la sodomie se caractérisent comme des pénétrations sexuelles, qui, si elles ne sont pas consenties, sont considérées comme un viol, et donc comme un crime. On parle toutefois d'agression sexuelle lorsque la fellation est pratiquée par l'agresseur sur la victime.
Que disent les chiffres des plaintes ? Selon les statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des répressions pénales (ONDRP), 465 plaintes ont été déposées pour viol conjugal en 2011. Ce type de plainte représente ainsi 31 % de l'ensemble des plaintes pour viol recensées en 2011. Sans surprise, les femmes sont principalement touchées par ce phénomène. 419 des 465 viols conjugaux enregistrés ont été subis par une femme, 46 par un homme. Autrement dit, 90% des plaintes déposées pour viol conjugal concernent des femmes. "Les viols conjugaux dont sont victimes les femmes en particulier sont en hausse constante chaque année", note le rapport de l'ONDRP rendu en 2012. Les plaintes déposées en 2011 ont en effet augmenté de 23 % par rapport à l'année précédente.
Et en réalité ? "Plus de 75.000 femmes sont violées chaque année en France", selon la campagne "Viol, la honte doit changer de camp", lancée en 2011 par plusieurs associations. Le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des répressions pénales fait pourtant état de 1.761 plaintes pour viol en 2011, soit près 43 fois moins. Un écart que les spécialistes appellent le "chiffre noir" du viol, indique Slate. Cette différence entre le nombre réel et le nombre de plaintes est établi à l'aide d'un "double système statistique pérenne permettant de mieux appréhender la réalité criminelle", écrit le directeur de l’ONDRP Christophe Soullez.
"Les femmes ont dû mal à s'exprimer". Une méthode qui s'applique également pour les plaintes des victimes de viol conjugal, où les faits sont d'autant plus difficiles à établir. "Ce n'est souvent qu'après plusieurs mois que les femmes vont révéler ces violences sexuelles, parce qu'elles ont honte, qu'elles se sentent coupables. Elles ont aussi intériorisé la question du devoir conjugal. Donc il faut tout un travail de reconstruction et de révélation après les violences psychologiques et physiques pour qu'elles décrivent aussi les violences sexuelles qu'elles ont subies. Ça reste les dernières violences sur lesquelles les femmes ont du mal à s'exprimer", commente Françoise Brié, porte-parole du réseau "Solidarités Femmes", interrogée par Europe 1.
Une femme violée doit en effet faire l'objet d'une expertise médicale. Plus la victime met du temps à se déclarer, plus il est difficile d'établir les faits. François Vrié conseille donc aux victimes à se manifester au plus vite et incite les services de police à prendre au sérieux les déclarations des plaignantes. "C'est important, au niveau des services de police, que ces plaintes soient prises avec beaucoup d'attention et que ce ne soit pas renvoyé sur la question du devoir conjugal. C'est vrai que de temps c'est ce qu'on entend : que ce n'est pas grave puisque c'était avec le mari. Non, un viol conjugal, c'est très grave. Il faut absolument comprendre qu'avoir des relations sexuelles imposées, c'est un viol", conclut-elle.