"Je suis certain que si nous étions en des temps plus ordinaires, cette église serait pleine", commence le prêtre. C'était mardi dernier, au sud de Rennes, pour les obsèques d'une femme de 83 ans. Confinement à cause du coronavirus oblige, seule la famille proche a pu assister à la cérémonie, physiquement en tout cas. "Nous ne sommes pas très nombreux mais beaucoup suivent ces funérailles derrière leur écran", poursuit le prêtre. La messe était diffusée en direct sur internet, et le jour J une quarantaine de personnes a ainsi pu se connecter. C'est le fils de la défunte, réalisateur de métier, qui a eu l'idée d'installer une caméra pour cette captation bien particulière. Pour cette famille comme pour des centaines d'autres, l'épidémie perturbe le fonctionnement des obsèques.
"Il y a une façon de filmer les obsèques; il ne s'agit pas de faire du sensationnalisme. Filmer plutôt avec des plans larges, ou sur les intervenants, mais ne pas aller chercher des gros plans sur la famille éplorée", explique le réalisateur au micro d'Europe 1, pour qui aurait envie de l'imiter. Ces plans larges laissent voir des rangées forcément vides, dans une cérémonie qui s'organise différemment, comme le rappelle le prêtre au moment de l'ultime hommage : "Vous êtes simplement invités à vous incliner, à ne pas mettre la main sur le cercueil. Ce sont les consignes pour faire en sorte que nous soyons tous en bonne santé".
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"C'est un moment fort dans nos vies de pouvoir être présent aux obsèques des gens qu'on aime, notamment pour faire le travail de deuil des familles", analyse Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française des pompes-funèbres. Selon elle la "messe à distance" est une alternative déjà bien utilisée par les familles, proposée "par bon nombre d'opérateurs funéraires, qui demandent à des proches de prendre un téléphone et de filmer un petit moment de recueillement. D'autres opérateurs funéraires proposent de reporter la cérémonie à plus tard; on va garder un moment pour penser au défunt et se recueillir, même si c'est en différé", explique-t-elle.
Déjà "plusieurs cercueils dans une même chambre funéraire"
Un autre problème se pose aujourd'hui, plus directement aux professionnels des pompes funèbres : le risque d'un afflux de défunts, qui pourrait compliquer la conservation des cercueils. "Les chambres funéraires ne sont pas faites pour accueillir un grand nombre de personnes en même temps", rappelle Florence Fresse. "On est en contact permanent avec le ministère de l'Intérieur qui est notre ministère de tutelle. Se pose la question d'un lieu dédié pour le dépôt des cercueils, appelé le dépositoire. On y a mis fin il y a quelques temps, mais l'on va sans doute y recourir de nouveau."
En effet, les petites pompes funèbres ne sont pas habituées à "avoir des décès massifs. La dernière fois qu'on a dû gérer cette situation, c'était uniquement en métropole et pendant la canicule. Et on s'est vite rendu compte que nos infrastructures ne permettaient pas d'avoir beaucoup de défunts au même moment. Aujourd'hui, j'ai des entreprises qui se retrouvent avec plusieurs cercueils dans une même chambre funéraire, dans l'attente soit d'être inhumés, soit d'être incinérés", constate la déléguée.
Lors de la canicule de 2003, les services funéraires avaient eu recours à des camions frigorifiques. "Tout ce qui permettra de conserver les défunts dans les meilleures conditions possibles seront des bonnes solutions", conclut Florence Fresse. Et pour limiter au maximum l'affluence dans les églises, les avis d'obsèques diffusés dans la presse locale ne comportent désormais plus d'indications sur les messes de funérailles.