À l'université, à l'hôpital, en politique, entre avocats ou journalistes : le sexisme subi par les femmes au travail est désormais raconté sans détours sur internet, avec l'émergence de plusieurs sites recensant les pires remarques entendues.
"Ces cas ne sont pas isolés". "Regarde, c'est mon harem !", présente un chef de chirurgie à un nouvel interne. "Tu devrais mettre plus de décolletés sous ta blouse, c'est plus sympa pour me réveiller le matin", recommande un stagiaire en chirurgie. Blagues grasses, dévalorisations, allusions sexuelles, le quotidien des femmes travaillant en milieu hospitalier est notamment raconté par celles qui le vivent sur le site "Paye ta blouse", lancé début janvier par deux étudiantes en médecine. "Le sexisme est partout, c'est un problème général, systémique", explique l'une d'elles, 23 ans, préférant garder l'anonymat. "Il s'agissait de ne pas rester les bras croisés, en libérant la parole pour montrer que ces cas ne sont pas isolés".
La fac, le bureau ou l'Assemblée pas en reste. Inspiré de l'initiative d'une graphiste, Anaïs Bourdet, qui a créé en 2012 le site participatif "Paye ta shnek" (très vulgairement, offre-moi ton sexe) visant à dénoncer par des témoignages le harcèlement de rue, "Paye ta blouse" s'ajoute aux récents sites comme "Paye ta fac" tenu par des étudiantes, "Paye ta robe" par des avocates ou "Paye ton journal" par une journaliste. Le monde politique n'est pas en reste avec "Chair collaboratrice", créé en octobre par un collectif de collaboratrices parlementaires.
Prolonger le "tsunami" créé par l'affaire Baupin. "Le thème du harcèlement au travail a été libéré au moment de la médiatisation de l'affaire Baupin (le député écologiste accusé d'agressions et de harcèlement sexuels par plusieurs élues écologistes, ce qu'il nie). Toutes ces initiatives visent à prolonger le tsunami déclenché et d'agir contre ça", analyse Anaïs Bourdet. Pour elle, il s'agit d'établir "un recueil de faits indéniables" pour précipiter "une remise en question à tous les niveaux : éducatif, social, politique".
Des initiatives individuelles. "Ces projets ne sont pas labellisés par le ministère. Ce sont des initiatives individuelles, qui ne sont pas aidées", précise la jeune femme, qui dit recevoir des centaines de témoignages chaque semaine. En septembre, le gouvernement a lancé la campagne de sensibilisation "Sexisme, pas notre genre", espérant susciter une prise de conscience collective. Selon un sondage de l'institut CSA rendu public à cette occasion, 40% des femmes disent avoir été victimes soit d'une humiliation, soit d'une injustice liée à leur sexe.