"Je sais ce qu’il faudrait faire". A 22 ans, Eva, étudiante en quatrième année à la Faculté de médecine de Lyon-Est, est désormais plus sereine si elle devait un jour prendre en charge les blessés d’un attentat. La jeune femme a participé avec d’autres à un cours singulier dispensé par son université. Cette formation pourrait être proposée partout dans l’hexagone, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche travaillant sur cette idée, selon les informations d'Europe 1.
"Ça m’a renforcé dans l’idée que ce qu’on faisait était très utile". Former les étudiants à faire "leur travail dans des conditions dégradées et dans un environnement compliqué". L’idée vient de Géraldine Pina-Jomir, médecin réserviste militaire et responsable du cours "Evolution de la santé, évolution des risques" à l’université Lyon 1, qui existe depuis 2011. Chaque année, l'enseignement évolue avec un thème nouveau.
Après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, l’enseignante a une intuition : "Il faut qu’on apprenne à réagir vite". Elle décide alors de former ses 26 étudiants en quatrième année de médecine au risque d’attentat. Quelques mois plus tard, elle est confortée dans son intuition avec les attentats du 13 novembre. "Ça m’a renforcé dans l’idée que ce qu’on faisait était très utile", explique-t-elle. "Ce n’est pas un effet de mode mais une nécessité. Moi, à la fin de cette année, j’ai 26 étudiants qui savent comment réagir".
Un scénario fiction. Concrètement, les étudiants suivent ce cours optionnel toute l’année avec des exercices théoriques et un grand exercice pratique en fin d’année. Celui-ci s’est déroulé le 7 avril avec l’aide logistique des militaires. "Dans le scénario imaginé, plusieurs terroristes entraient dans la faculté, tiraient par balles puis se faisaient exploser à la fin", raconte Géraldine Pina-Jomir. Après que les militaires aient sécurisés les lieux, les étudiants ont pu intervenir directement sur deux mannequins "intelligents" qui respirent, peuvent saigner, ou ont leur pouls qui bat… "On s’inspire de la médecine de guerre en leur apprenant par exemple à poser un garrot pour stopper l’hémorragie", développe l’enseignante.
"Si ça arrive, je saurais quoi regarder et stopper les hémorragies ". Du côté des étudiants, le réalisme de l’exercice a visiblement plu. "On y allait étape par étape en respectant le protocole, on était comme dans une bulle", raconte Eva. "Ils nous mettaient vraiment bien dans l’ambiance en nous disant : 'vite, vite, il y a eu un attentat à la fac'", ajoute-t-elle. "Ce sont des gestes qu’il faudrait connaître dans le contexte actuel", renchérit Tanguy, son camarade de promotion. "Si ça arrivait Place Bellecour à Lyon, je saurais déjà quoi regarder, stopper les hémorragies comme je peux ou faire un garrot avec ma ceinture".
"Que tout le monde connaisse les gestes qui sauvent". Cette initiative est en tout cas saluée par Fabrice Ménégaux, chef du service de chirurgie générale à la Pitié-Salpêtrière à Paris, qui fût en première ligne le 13 novembre. "Il y a un besoin important de formation, c’est quelque chose d’évident car on peut s’attendre à d’autres événement", souligne-t-il. Pour lui, "l’une des grandes inquiétudes, c’est l’attentat dans une petite ville où le flux de blessés arriverait dans une petite structure. Il faut que tout le monde connaisse les gestes qui sauvent". Mais le professeur estime aussi que l’urgence est de former avant tout les professionnels de la santé ou les internes.
"Une spécialité médecine d’urgence" dans les tuyaux. La formation des étudiants est elle dans "les tuyaux" du gouvernement. Contacté par Europe 1, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, qui "salue l’initiative de Lyon", révèle ainsi qu’il "est prévu de faire une spécialité 'médecine d’urgence'". "C’est en préparation", explique-t-on, "ce ne sera pas seulement pour des cas dramatiques comme les attentats mais aussi pour des médecins qui souhaitent s’expatrier à l’étranger". Selon le ministère, les médecins d’antan, qui étaient passés par le service militaire, étaient plus à même de savoir poser une intraveineuse ou faire un garrot. "Il y a un vrai travail à faire", conclut-on.