Ils sont des dizaines de milliers de neo-bacheliers à ignorer quelles études ils vont faire l’an prochain. Lors de la précédente cession en juin, APB, le système qui détermine les "Admissions post-bac" en fonction des préférences et des places disponibles, avait mis 117.000 lycéens sur liste d’attente dans les filières qu’ils avaient choisies. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, 17.000 élèves se sont même retrouvés sur cette fameuse "liste d’attente" alors qu’ils avaient placé en premier vœu une filière non sélective, qui n’est pas en tension, et dans leur académie (un vœu qui aurait dû leur garantir une place). Un record.
En réaction, le gouvernement a lancé vendredi dernier une campagne d'information pour encourager les bacheliers à se retirer de la plateforme APB s'ils ont été admis dans des formations non répertoriées sur le logiciel, afin de libérer des places et désengorger le système. Mais cela va-t-il suffire ? La troisième et dernière vague de réponses aux vœux des élèves est attendue vendredi dans la journée. Et le stress monte pour les bacheliers qui ne savent toujours pas ce qui les attend l’an prochain (pour en savoir plus sur le fonctionnement de ce logiciel décrié, vous pouvez lire notre article ici).
" Le fait de ne pas savoir ce que je vais faire l'an prochain me donne l'impression de pas avoir de projet de vie "
"J'étais en S et j'ai eu mon bac avec mention Assez Bien. J'avais mis comme vœux des licences de psychologie (dans quatre facs parisiennes), des licences en sciences de la vie, des licences en chimie et une licence de sociologie", raconte ainsi à Europe 1 Laurianne, qui vient d’avoir son diplôme dans les Yvelines. "Quand j'ai vu que j'étais en liste d'attente sur les deux premières phases, j'ai stressé et je me suis demandé ce que j'allais faire si je n'avais rien. Je trouve cela injuste de travailler dur toute l'année pour avoir des notes correctes et ne pas avoir une seule fac qui t'accepte…", regrette Laurianne. "Le fait de ne pas savoir ce que je vais faire l'an prochain me donne l'impression de pas avoir de projet de vie, comme si mon avenir se jouait à la dernière phase APB", conclut-elle. Et à en croire les messages qui circulent sur les réseaux sociaux, Laurianne est loin d’être un cas isolé :
J'aurais dû foirer mon bac pcq au moins à l'heure actuelle je saurais où j'irai en septembre #APB2017
— crooked (@lisa_prnt) 26 juin 2017
Donc moi 15,5 de moyenne annuellement, j'suis en liste d'attente partout et le dernier de ma classe il est reçu à Sorbonne #APB2017
— your kingdom come! (@abvllgod) 25 juin 2017
Sérieux les gens qui mettent des facs de psycho parce que ils savent pas où aller, vous m'empêcher moi de faire ce qui me passionne... #APB
— fl-imħabba (@leodadddy) 26 juin 2017
#APB ruine l'avenir. Le public ne veut pas de moi ? Très bien, j'entre dans le privé.
— Manon (@Rayvarra) 18 juin 2017
J'échange une place de la licence sciences de l'information et de la communication contre une place de licence de droit à bordeaux #APB2017
— Cédric (@merindianlost) 28 juin 2017
Parfois, le logiciel APB donne lieu à des situations particulièrement ubuesques, comme celle que raconte le Parisien de mercredi. "Sur trente-trois élèves (d’une classe du Val-d’Oise), six, dont la meilleure de la classe, n'ont reçu aucune proposition d'admission sur la plate-forme nationale d'orientation des étudiants, APB", détaille le journal. Emma, lycéenne à Annecy contactée par Europe 1, ne se définit pas comme la "meilleure de la classe". Mais elle a tout de même eu son bac Littéraire mention Très Bien, après une scolarité où elle tournait autour de 16 de moyenne. Aujourd’hui, elle est, elle aussi, sur liste d’attente sur son vœu d’intégrer une fac histoire de l’Art dans sa propre Académie et dans celle voisine de Lyon. "C’est frustrant, on nous demande de faire un dossier, et finalement personne ne le regarde…", regrette-t-elle aujourd’hui.
" Je suis déçu. Je ne comprends pas comment cela fonctionne "
Grégoire, lui aussi, a eu son bac Scientifique avec une mention Très bien, à Toulouse. Et sur la plupart de ses choix (cinq écoles d’ingénieur), il est sur la fameuse "liste d’attente". Seule une prépa toulousaine qui ne l’intéresse pas vraiment a donné suite à ses demandes. "Je suis déçu. Je ne comprends pas comment cela fonctionne. Certaines écoles n’étaient pourtant pas difficiles d’accès. Et je ne suis pas le seul : dans mes amis, certains ont été pris en prépa alors que d’autres ne l’ont pas été avec de meilleures moyennes. Je pense que je vais faire un dossier à côté d’APB pour tenter d’intégrer tout de même l’une des écoles".
Contourner APB, plus d’un bachelier semble être tenté de le faire. Rosalie, qui vient d’avoir une mention Très Bien à Paris pour son bac Economie et Social, estime même ne pas avoir le choix. "Je n’ai eu que mon 18e choix sur APB… J’en ai encore sept sur liste d’attente. Certaines de mes connaissances en filière Droit ont été prises avec de moins bonnes notes que d’autres", énumère-t-elle. Et de détailler ses plans : "Dans l’une des doubles-licences pour laquelle j’ai candidaté, on pouvait aussi postuler via e-candidat, un site indépendant d’APB et qui prend en compte une lettre de motivation et les notes du bac (contrairement à APB qui prend en compte jusqu’au deuxième trimestre de terminale). D’anciens élèves de cette double-licence m’ont dit que l’on avait davantage de chances d’intégrer cette double-licence via e-candidat. Mais personne n’est au courant et on se demande bien à quoi sert APB dans ces cas là….".
L'an dernier, 3.000 bacheliers se sont retrouvés sans aucune affectation. Cette année, selon les calculs du ministère, ils pourraient être 6.000.