Admissions post-bac : pourquoi les filles veulent-elles toujours être infirmières et les garçons ingénieurs ?

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Les carrières scientifiques sont toujours peu embrassées par les femmes (image d'illustration) © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
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Marthe Ronteix
Certaines filières de l'enseignement supérieur restent privilégiées par les jeunes femmes. En cause, notamment, une auto-censure des futures bachelières mais aussi des pratiques éducatives. 

Ils sont 853.262 jeunes gens à s'être inscrits sur le site Admission post-bac pour la rentrée 2017, d'après le compte-rendu de l'Éducation nationale rendu public mardi. Il ressort de ces voeux formulés par les futurs bacheliers, que la répartition hommes-femmes reste assez déséquilibrée dans certaines filières. Pourquoi les choix d'orientation scolaire sont-ils encore genrés ?

Des choix d'orientation marqués par le genre. 82% des voeux formulés pour une formation en psychologie, 70% des demandes en droit et en Paces (Première année commune aux études de santé) émanent ainsi de jeunes femmes. En revanche, les lycéennes ne composent que 27% des voeux pour entrer en Staps (Sciences et technologies des activités physiques et sportives) ou 28% pour une école d'ingénieur. Des chiffres qui montrent que certaines filières sont toujours considérées comme "féminines", quand d'autres semblent réservées aux garçons.

Une question d'éducation depuis le plus jeune âge. Ces choix d'orientation proviendraient d'abord de pratiques éducatives, car "l'orientation professionnelle est une construction sociale et institutionnelle", affirme à Europe1.fr, Sophie Orange, maître de conférence en sociologie à l'Université de Nantes.

Les sociologues du genre s'accordent à dire que dès le plus jeune âge, les qualités valorisées chez les filles et les garçons sont différentes. Par exemple, les enseignants vont permettre aux garçons d'être plus bruyants, d'avoir des cahiers moins bien tenus ou encore de s'exprimer plus souvent que les filles. En revanche, on attend de ces dernières qu'elles soient plus calmes, plus sérieuses et plus propres. "On leur apprend à intérioriser ces qualités qui les conduisent naturellement à avoir des affinités avec certains cursus scolaires", explique la sociologue spécialiste de l'éducation.

Une auto-censure des futurs bacheliers. Et les codes appris pendant l'enfance sont toujours à l'oeuvre quand la question de l'orientation dans le supérieur se pose. "Pour faire des choix un peu 'déviants' (au sens où ils ne sont pas conformes à la majorité de son sexe), il faut avoir des ressources suffisantes pour que cela n'apparaisse pas comme une aberration totale", détaille la sociologue.

Les jeunes filles qui sont en classe préparatoire scientifique ont d'ailleurs souvent dans leur entourage une femme qui a déjà fait ce choix. Ou bien elles ont un niveau scolaire plus élevé que la moyenne, d'après l'enquête menée en 2016 par Sophie Orange, Filles + sciences = une équation insoluble ?. Pour ne pas subir cette situation de décalage, "ces jeunes filles doivent avoir des instances autour d'elles qui vont normaliser ce parcours et les 'autoriser' à faire ce choix." Sans ces instances de soutien, on observe une forme d'auto-censure de la part de ces futures étudiantes face au choix d'orientation scolaire. Mais la situation existe aussi pour les garçons qui sont encouragés à s'engager dans des carrières qui favorisent la force et le pouvoir.

Dispositions naturelles face aux compétences techniques. Résultat, les jeunes filles vont plutôt s'orienter vers des filières aux cursus plus courts, dans lesquelles on a recours à ce que l'on pense être des dispositions naturelles plutôt que des compétences techniques. Les métiers de la santé, pour lesquels l'écoute et la capacité d'attention aux autres sont importants, sont ainsi occupés en majorité par des femmes. En 2014, près de 75% des diplômés dans le domaine de la santé et de la protection sociale étaient des femmes, d'après Eurostat. Et elles étaient également plus de 75% à être diplômées dans le domaine de l'éducation

Davantage de chances de réussite dans ces filières. Si les jeunes filles choisissent certains types de filières, c'est aussi parce qu'elles ont plus de propension à y réussir, puisqu'elles y ont été mieux préparées. Dans les filières scientifiques ou médicales de haut niveau, on demande aux étudiants, puis aux jeunes professionnels, de s'affranchir du cadre pour faire preuve d'audace et d'inventivité. Des qualités cultivées chez les garçons mais pas encouragées chez les filles.

"Les garçons qui ont été moins contraints à l'école vont alors se trouver favorisés" par rapport à ce que l'on attend d'eux dans ces filières, assure Sophie Orange. "Si les filles jouent très bien le jeu scolaire, ce n'est plus ce qui fait la différence dans l'enseignement supérieur", ajoute la spécialiste. Pour réussir dans ces domaines, elles doivent travailler, non pas à acquérir de nouvelles compétences, mais à oublier la réserve et l'inhibition qu'on leur a inculquées jusque là.