Le procès de l'ancien président Nicolas Sarkozy pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des "écoutes" a été suspendu lundi peu après son ouverture jusqu'à jeudi, le temps d'une expertise médicale sur l'état de santé d'un de ses coprévenus. Le tribunal correctionnel de Paris a "décidé d'ordonner une expertise médicale" de l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, 73 ans, absent à l'audience pour raisons médicales.
Avant Nicolas Sarkozy, un seul ancien président, Jacques Chirac, a été jugé - et condamné en 2011 - pour les emplois fictifs de la Ville de Paris mais il n'a jamais comparu devant ses juges en raison de son état de santé.
Un pacte de corruption, selon l'accusation
Dénonçant un "scandale qui restera dans les annales", Nicolas Sarkozy, 65 ans, a promis d'être "combatif" devant le tribunal correctionnel de Paris et clame ne pas être "un pourri". Le procès, qui doit durer jusqu'au 10 décembre, reste toutefois soumis aux aléas de l'épidémie de Covid-19, en plus de l'état de santé de Gilbert Azibert.
L'affaire des "écoutes", également appelée affaire "Bismuth", trouve son origine dans un autre dossier judiciaire qui menace Nicolas Sarkozy : les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qui lui valent une quadruple mise en examen. Dans ce dossier, les juges avaient décidé en septembre 2013 de placer l'ancien président sur écoute et découvert, début 2014, qu'il utilisait une ligne secrète, sous l'alias "Paul Bismuth", pour communiquer avec Thierry Herzog. Selon l'accusation, certaines de leurs conversations ont révélé l'existence d'un pacte de corruption : Nicolas Sarkozy a, par l'intermédiaire de son avocat, envisagé d'apporter un "coup de pouce" à Gilbert Azibert pour un poste à Monaco qu'il convoitait - et qu'il n'a jamais obtenu.
Le réquisitoire sévère du Parquet national financier
En contrepartie, ce haut magistrat a fourni des informations couvertes par le secret sur une procédure engagée par l'ex-chef d'Etat devant la Cour de cassation en marge de l'affaire Bettencourt. Nicolas Sarkozy, qui avait bénéficié d'un non-lieu dans ce dossier fin 2013, avait saisi la haute juridiction pour faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d'intéresser la justice dans d'autres procédures.
Dans les conversations fleuries avec son avocat, socle de l'accusation, l'ex-président s'engageait à intervenir en faveur de Gilbert Azibert. "Moi, je le fais monter", "je l'aiderai", dit-il ainsi à Me Herzog. Quelques jours plus tard, il déclare qu'il a renoncé à toute "démarche" auprès des autorités monégasques. Pour les enquêteurs, ce revirement soudain pourrait venir de la découverte par les deux hommes que leurs téléphones officieux étaient sur écoute. Dans un réquisitoire sévère en octobre 2017, le Parquet national financier (PNF) avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d'"un délinquant chevronné".