Entre deux procès, il est passé de la délinquance à l'islam radical. Mardi matin, Michaël Chiolo a violemment attaqué deux surveillants à la prison de Condé-sur-Sarthe, avant d’être interpellé après un assaut du Raid le soir. Le jeune homme de 28 ans, né en Moselle, a connu un lourd passé criminel avant de se radicaliser en prison. Europe 1 retrace son parcours.
Un jeune homme désocialisé
Originaire de Saint-Avold, en Moselle, Michaël Chiolo a très tôt basculé dans la délinquance. Décrit comme un jeune homme désocialisé et fasciné par le nazisme, il rompt très tôt avec sa famille et fugue à l’âge de 17 ans. Il commence à mener une existence vagabonde et commet ses premiers délits, dont des faits d’escroquerie et un vol aggravé entre 2008 et 2010. Cette même année 2010, il se convertit à l’islam, sous le nom d’Abdel-Karim.
Deux ans plus tard, en 2012, Michaël Chiolo attaque une bijouterie avec un ami d’enfance en Sarre, en Allemagne, pour un butin de 4.000 euros. Quelques jours après, avec l’aide d’un troisième complice, ils séquestrent et tuent un ancien résistant de 89 ans rescapé du camp de concentration de Dachau, pour 300 euros et quelques médailles. Arrêté deux semaines plus tard, il sera condamné par la cour d’assises de Nancy à 28 ans de réclusion criminelle en 2014.
Me Cédric Demagny, qui l’a défendu lors de ce procès, se souvient d’un "garçon courtois et agréable dans les échanges, cultivé et avec un bon vocabulaire", mais aussi de "très seul, en rupture familiale totale". Mais il n’est pas encore question de radicalisation. "Il pouvait y avoir des signes, mais on en était aux prémices. A l’époque, il aurait pu basculer d’un côté comme de l’autre. La question religieuse n’a pas tellement été évoquée au cours de la première cour d’assises", assure l’avocat, contacté par Europe 1.
Une radicalisation en détention
La condamnation de Michaël Chiolo à 28 ans de réclusion criminelle, pour laquelle il fait appel, semble en effet marquer un tournant. "Il y a manifestement eu un phénomène de radicalisation entre le premier et le deuxième procès", estime Me Demagny. Le jeune homme commence à se radicaliser en détention et est impliqué dans plusieurs incidents. En novembre 2015, il est condamné à un an de prison pour apologie d’acte de terrorisme pour avoir demandé à ses codétenus de rejouer la tuerie du Bataclan.
Un mois plus tard, la question de sa radicalisation est au centre de son procès en appel pour la mort de l’octogénaire. "Au deuxième procès, il était beaucoup plus inquiétant, sur la défensive", se rappelle Me Marlène Schott, avocate d’un complice de Michaël Chiolo. Les débats mentionnent un autre incident à Épinal, où il aurait "obligé ses codétenus à boire huit litres d’eau par jour pour se purifier", raconte Me Schott. Là encore, personne ne vient témoigner à son procès. Seule sa compagne Hanane Aboulhana, rencontrée en prison et de sept ans son aînée, est citée à la barre. "Il avait écrit à quelqu’un pour qu’on lui trouve une épouse", précise Me Pauline Brion, son ancienne avocate.
Condamné cette fois à 30 ans de réclusion criminelle, Michaël Chiolo poursuit sa fuite en avant et se fait remarquer pour son prosélytisme à la prison de Nancy. "En 2016, déjà, il avait un discours très extrémiste. Et il a réussi à convertir d’autres personnes détenues à Nancy à l’islamisme", témoigne Fadila Doukhi, déléguée régionale du syndicat FO Pénitentiaire, interrogée par France Bleu. Selon un autre syndicaliste, interviewé également par France Bleu, il a également menacé "d'égorger un surveillant" à la prison de Besançon, également en 2016.
Fiché mais pas incarcéré dans le quartier des radicalisés
Après cette succession d’incidents, le jeune homme est suivi par le renseignement pénitentiaire et inscrit au fichier pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Il est transféré à la prison de Condé-sur-Sarthe, l’une des plus sécurisées de France. Mais l'administration, qui le considère davantage comme un criminel de "droit commun", ne le place ni dans le quartier d’isolement, ni dans le quartier de prise en charge de la radicalisation. "Il n’était pas simple à gérer, donc il faisait l’objet d’un suivi extrêmement attentif", a assuré la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Il passe finalement à l’acte mardi, disant vouloir venger Chérif Chekatt, l’auteur de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg en décembre dernier. Selon nos informations, les deux hommes ont séjourné dans un même établissement pénitentiaire du Grand Est, mais sans être codétenu. Se sont-ils côtoyés à ce moment-là ? Le mystère reste, pour l’instant, entier.