Alimentation : manger 100% Français, est-ce si simple ?

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Mathilde Durand , modifié à
Circuits courts, production locale : les Français semblent tenir aux bonnes habitudes de consommation prises pendant le confinement. Mais est-ce si simple de manger 100% français ? Entre éducation à l'alimentation, coût plus élevé et soucis d'identification, les consommateurs peuvent ne pas s'y retrouver.

Effet de mode ou réel déclic : les Français semblent prêts à changer leurs habitudes de consommation et d'alimentation. Selon un sondage Ipsos publié en avril dernier, 63% d'entre eux sont prêts à opter pour le plus de produits locaux possibles, afin de soutenir l'économie. Les circuits courts et la production locale ont la cote, mais ces nouvelles résolutions se heurtent parfois à la réalité. "Produire en France coûte plus cher, on peut le déplorer mais il faut commencer par le constater", assure Olivier Dauvers, journaliste et auteur, spécialiste de la grande distribution. De fait, manger 100% français peut s'avérer compliqué. 

Un coût plus élevé lié à la production, mais... 

En effet,  on retrouve des coûts de production plus élevés en France que dans d'autres pays de l'Union européenne ou du monde. "En fonction des normes sociales, environnementales, on a des produits plus chers", explique le vice-président des jeunes agriculteurs, Baptiste Gatouillat. "Les coûts de main d'œuvre ne peuvent pas être compensés par des coûts logistiques, on est en concurrence déloyale directe".

 

Pourtant, selon l'association Famille rurale, consommer des fruits et des légumes français, en respectant la saisonnalité, serait 1,25% moins cher sur l'année 2019. "C'est une question de choix et d'engagement citoyen", ajoute Edouard Bergeon, documentariste et réalisateur du film Au nom de la terre, qui raconte le suicide de son père agriculteur. "Acheter c'est voter, on est ce qu'on mange. Il ne faut pas être moralisateur, mais il faut se montrer attentif à la saisonnalité, aux étiquettes."

Malgré le prix parfois plus élevé des produits, le "Made in France" semble préféré par les consommateurs. "C'est une tendance de fond qu'il faut rattacher à un phénomène sociologique qui consiste à dire plus c'est près, mieux c'est. Ce n'est pas forcément vrai, mais dans l'imaginaire si c'est local, c'est meilleur", décrypte Olivier Dauvers.

Une meilleure identification pour guider les consommateurs

"Il faut permettre aux consommateurs d'aider les agriculteurs. Il y a une hypocrisie terrible sur l'origine. On sait quand c'est français parce qu'il y a un gros drapeau dessus, on ne sait pas quand cela vient d'ailleurs parce que c'est écrit en tout petit à l'arrière du paquet. Parfois c'est même pire car c'est cuisiné en France, c'est francisé, alors que la matière première vient d'ailleurs", poursuit le journaliste Olivier Dauvers, qui porte l'initiative "Balance ton origine", afin de mieux identifier les produits achetés par le consommateur. 

"Quand on connaît l'information, on est prêt à mettre un peu plus. L'identification ça marche", assure Edouard Bergeon, citant l'exemple d'un nouveau logo au Québec pour les produits agricoles locaux, décidé en commun entre les agriculteurs et les autorités, pour une meilleure identification. Une initiative qui a permis de doubler les ventes. 

Pour améliorer l'information, la grande distribution a un rôle à jouer. En effet, les consommateurs y effectuent deux-tiers de leurs achats. "Il faut aller dans ce sens. Il faut aider le consommateur à s'y retrouver", assure Michel Biero, directeur exécutif des achats de l'enseigne Lidl. "Moi j'ai banni l'origine 'UE' de mes packagings. On est train d'appeler tous les fournisseurs pour le changer. Ce n'est pas simple, mais on doit le faire. Si on veut continuer à manger français il faut mieux rémunérer les éleveurs, le monde agricole, sinon on va les perdre." 

L'alimentation collective, un enjeu important 

Autre terrain où l'alimentation française peut encore progresser : la restauration collective. "Dans la grande distribution, sur la volaille fraîche, 95% du poulet vendu est français. Quand vous allez manger un poulet hors-foyer, 80% du poulet est étranger et vous ne le savez pas", assure Olivier Dauvers, prenant l'exemple de la volaille.

"La restauration hors-foyer est très importante, c'est là qu'il faut faire de l'éducation alimentaire. Dans la restauration hors-foyer, dans les cantines, vous avez un budget à tenir", déplore Baptiste Gatouillat, vice-président des jeunes agriculteurs. "Quand vous devez faire un repas pour 2,50 euros, c'est possible [d'acheter des produits français, ndlr], mais c'est plus difficile, cela prend du temps. C'est une éducation que l'on doit avoir, de se dire on peut faire avec un peu moins de viande, de meilleure qualité". Olivier Dauvers, à la tête d'un think-thank pour l'agriculture, plaide ainsi pour l'inscription de l'éducation alimentaire dans le programme de l'Éducation nationale, à l'instar du permis de conduire.