Le parquet de Bobigny a requis jeudi une amende de plusieurs milliers d'euros contre un restaurateur accusé d'avoir refusé de servir deux femmes voilées à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis. Pour "réparer l'outrage fait à ces femmes et, plus largement, à la société entière", la procureur a demandé une amende de 5.000 euros, dont 2.500 avec sursis contre l'homme de 65 ans, ainsi que la publication de la décision de justice pendant deux mois.
"Maintenant, vous partez". L'homme était jugé pour "discrimination dans la fourniture d'un service en raison de l'appartenance à une religion dans un lieu accueillant du public", pour avoir demandé le 27 août à ces clientes de quitter son établissement. La scène, filmée discrètement par l'une d'entre elles et diffusée sur les réseaux sociaux, avait suscité un tollé en France, en pleine polémique sur les arrêtés d'interdiction du burkini à la plage.
On y entend l'une des femmes lancer: "On ne veut pas être servies par des racistes, Monsieur!". Le restaurateur répond: "Les racistes mettent pas des bombes et ne tuent pas des gens!" "Parce qu'on a mis des bombes, Monsieur?", rétorque la jeune femme. "Madame, les terroristes sont musulmans et tous les musulmans sont terroristes (...) Des gens comme vous, j'en veux pas chez moi (...) Maintenant, vous le savez, alors partez!"
Des propos "inacceptables". Pour Me Nathalie Barbier, l'avocate du prévenu absent à l'audience, si les "propos sont inacceptables", il n'empêche qu'"à aucun moment on ne donne la preuve que (son) client a refusé de servir" ces femmes. "Comment après de tels propos en public tenus par le maître des lieux, peut-on envisager la poursuite d'une soirée normale?", s'est interrogée la représentante du ministère public.
"Beaucoup d'agressivité". Ce soir-là, "il y avait beaucoup d'agressivité et c'était un peu difficile pour moi", a témoigné timidement l'une des deux jeunes femmes, silhouette frêle et voile violet, la seule à avoir déposé plainte. Au-delà des faits, le tribunal a tenté de savoir si ces femmes s'étaient livrées à un "testing" dans ce restaurant, une démarche pourtant légale. "Etiez-vous sensibilisée à la problématique de discrimination ?", demande le président à la plaignante. "En tant que membre d'une association, non, en tant que citoyenne, oui". La décision est attendue le 16 mars.