L'Assemblée nationale a voté dans la nuit de mercredi à jeudi la création d'un délit de dissimulation du visage dans les manifestations, dans le cadre de la proposition de loi LR "anticasseurs" dont les députés n'ont pas achevé l'examen. Ce nouveau délit de dissimulation volontaire (totalement ou partiellement) sera assorti d'une peine d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.
La personne devra justifier la dissimulation de son visage. Suivant la proposition de Laurence Vichnievsky (MoDem), ex-magistrate, les députés ont modifié la définition qu'ils avaient trouvée en commission et que plusieurs y compris à droite trouvaient "inapplicable". Le juge devait en effet prouver l'intention de la personne portant un casque ou une cagoule de participer à des troubles. Dans la nouvelle rédaction, pour laquelle le gouvernement a donné un avis de "sagesse", la charge de la preuve est renversée et ce sera à la personne d'apporter un "motif légitime" à la dissimulation de son visage.
Un risque d'"arbitraire" selon les Insoumis. La gauche a vivement critiqué ce nouveau délit, "inefficace" selon les socialistes et les communistes, et "introduisant de l'arbitraire" d'après les Insoumis, qui ont épinglé une future "loi anti-cagoule" dans la lignée du "décret anti-cagoule" pris sous Nicolas Sarkozy en 2009. Ce décret prévoyait que le fait de dissimuler son visage au sein ou aux abords d'une manifestation était passible d'une amende de 1.500 euros au plus. Peu d'amendes ont été infligées et passer à un délit est "opportun pour une dissuasion", a appuyé Eric Ciotti (LR).
Contrairement à ce qui était programmé, les députés n'ont pas terminé l'examen des quelque 90 amendements restants, à la suspension des travaux à 1h. Cela va nécessiter de trouver un nouveau créneau pour terminer les débats sur ce texte issu du Sénat, alors que son vote solennel en première lecture est programmé mardi 5 février.
Moment de tensions au sujet des LBD. Une série d'amendements des Insoumis à la proposition de loi "anticasseurs" a aussi engendré mercredi soir une poussée de tension à l'Assemblée. Au cœur du débat, la question suivante : faut-il interdire l'usage par les forces de l'ordre des lanceurs de balles de défense ou de certaines grenades ? Il faut "en finir avec les LBD", comme dans d'autres pays européens et comme le réclame le Défenseur des droits, ont défendu Clémentine Autain, Danièle Obono et Ugo Bernalicis, qui a égrené une liste de victimes ayant été blessées lors des manifestations de "gilets jaunes".
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a répondu : "les armes de défense peuvent blesser, mutiler dans certains cas par des conditions d'utilisation accidentelles et anormales. Elles doivent faire l'objet d'enquêtes". Mais selon le ministre, "supprimer les armes de défense dans des situations aussi dramatiques que celles qu'ont vécues nos fonctionnaires sur le terrain au Puy-en-Velay", où la préfecture a été incendiée le 1er décembre, reviendrait à offrir aux forces de l'ordre "un choix simple: le corps-à-corps ou leur arme de service". Les Insoumis, qui estiment que la proposition de loi "ne considère que d'un côté les violences", ont aussi cherché en vain à interdire les grenades lacrymogènes assourdissantes GLI-F4, à renforcer la formation des policiers et gendarmes, et encore à créer des "observatoires des violences policières".