Antoine, 47 ans, maltraité dans l'enfance: "Le monde des adultes est totalement imperméable à ce que peut dire un enfant"

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© Johan ORDONEZ / AFP
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Romain David , modifié à
Jusqu'à l'âge de quatre ans, Antoine a été le souffre-douleur de sa famille. Il raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, la difficulté qu'il a eu à faire comprendre aux autres adultes qu'il vivait un véritable calvaire.
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Antoine, 47 ans, est né dans une famille très croyante d'origine italienne. Il a grandi en région parisienne. Après un drame familial, il est devenu dès sa petite enfance le bouc émissaire de la famille, et a subi négligences et violences jusqu'à l'âge de quatre ans. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, il raconte à quel point il a été difficile pour l'enfant qu'il était de faire comprendre aux adultes ce qu'il vivait.

"Il y a une réalité. L'enfant, tant qu'il est enfant, personne ne croit ce qu'il dit. Le monde des adultes est totalement imperméable à ce que peut dire un enfant. Je l'ai vécu moi-même. Assez rapidement, j'ai essayé de dire ce que je vivais à la maison. Je n'y suis pas resté longtemps : à quatre ans et demi, j'ai été placé. Mais je me souviens qu'à trois ans et demi, je disais ce que je vivais à la maison.

On habitait Villejuif et j'allais dans une crèche. Tous les matins, à 5h30, ma mère me déposait devant la porte, été comme hiver. J'attendais là pendant une heure, une heure et demie, le temps que les cantinières arrivent pour commencer à faire le chocolat pour les enfants qui arrivaient. Un jour, on me dit : 'qu'est-ce que tu fais là, à cette heure-là ? Tous les matins tu es là.' J'ai commencé à parler. On m'a fait faire des dessins, de la peinture à l'eau […] Et là, les adultes ont commencé à creuser. Ils voyaient bien qu'il se passait quelque chose. Il n'est pas normal qu'un enfant de quatre ans attende comme ça dans la nuit que les adultes arrivent pour lui ouvrir la porte.

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Antoine commence à s'ouvrir, et à décrire le calvaire qu'il vit chaque jour, comme une sorte de punition infligée par le reste de sa famille après la mort subite du père.

Je mangeais debout. Je n'avais pas le droit de m’asseoir à table. Je mangeais devant l'évier, là où l'on fait la vaisselle. Un jour, je me suis écroulé, je suis tombé par terre, évanoui. Personne ne s'est demandé pourquoi.

Dans ces vieilles familles religieuses des fins fonds de l'Italie du sud, il y a des superstitions, des croyances. J'avais trois ans quand mon papa est mort. Tout le monde a cru que c'était à cause de moi. Ça a été formulé très clairement, même devant le juge des enfants […]. Quand on y repense, c'est juste invraisemblable. On vivait dans un autre monde.

Savoir réagir devant une suspicion de maltraitance

"80% des victimes de maltraitances ne parlent pas", relève sur Europe 1 Michel Marzloff, secrétaire général de l'association L'enfant bleu, qui propose un soutien juridique et psychologique aux enfants victimes de violences. De là la nécessité pour les adultes qui ont des enfants dans leur entourage de se montrer particulièrement attentifs aux signaux d'alarmes, parfois ténus.

"Il n'y a pas un signe qui permette de dire qu'un enfant est maltraité. C'est une multiplication de signes physiques ou psychosomatiques", explique Michel Marzloff. "Ça peut-être des difficultés scolaires, un enfant était bon élève et, du jour au lendemain, ses résultats s'écroulent. Ça peut être un changement de caractère, une agressivité, de la colère", énumère ce responsable associatif. "Quand des parents, ou d'autres personnes, détectent ça chez un enfant, il faut lui parler, essayer de comprendre ce qu'il est en train de vivre."

Le 119, numéro du Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger, joignable 24 heures sur 24 sept jours sur sept, dispose d'un pôle de professionnels formés pour recueillir des témoignages, et capables d'évaluer les suites à donner.

Retiré des griffes de sa famille, Antoine est placé dans une maison d'enfants et entame un long parcours de réinsertion sociale

[…] Après la maternelle, j'ai été placé au foyer Adolphe Chérioux, à Vitry-sur-Seine, là où l'on plaçait les bébés nés sous X. J'étais pensionnaire là-bas, j'y vivais tout le temps. C'était ma famille. Il faut être honnête, nous étions des cas sociaux malgré nous.

Il y avait des veillées le soir, et l'on voit bien quand un enfant se détache du groupe, ce qui était mon cas. Je ne voulais pas parler avec les autres, je préférais être tranquille dans mon lit, lire un petit livre.

Le temps, pourtant, n'efface pas tout…

J'en garde des séquelles physiques, que je vois tous les jours. J'ai des marques sur mon corps. Quand on vous brûle à vif, pour vous montrer que le feu ça brûle, vous ne pouvez pas oublier ça. Quand vous vous lavez, même 40 ans après, vous avez toujours des traces."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage d'Antoine.