Menée entre janvier et mars par le maire de Vesoul Alain Chrétien (Horizons) et l'ex-président de Groupama Jean-Yves Dagès à la demande du gouvernement, la mission a réalisé une quarantaine d'auditions et sondé 400 collectivités, selon le rapport consulté jeudi par l'AFP, et dont les conclusions rejoignent par ailleurs celles d'un autre rapport publié fin mars par la commission des finances du Sénat.
Les dépenses d'assurance des collectivités sont supportées "à 90%" par les communes et leurs groupements, qui ont déboursé 541,5 millions d'euros en 2022 pour s'assurer. "En quelques années, les relations entre les collectivités locales et le monde de l'assurance se sont dégradées", soulignent les auteurs, faisant état de "résiliations brutales" ou de "hausses parfois vertigineuses des primes et des franchises".
Un "oligopole" progressivement "imposé aux élus"
Cette dégradation est antérieure aux dégâts causés par les émeutes et la multiplication des événements climatiques. Dans les années 2010, une guerre des prix entre assureurs a provoqué une "sous-tarification des contrats", faisant "fuir" ces derniers du marché des collectivités.
>> À LIRE AUSSI - «Nous n’aurons pas les moyens» : inondations, vandalisme… Des centaines de communes se retrouvent sans assurance
Cette sous-tarification s'est inversée en 2023, avec des prix devenus parfois rédhibitoires pour certaines collectivités, même si le marché reste "structurellement moins rentable" que celui des entreprises.
Selon les auteurs, un "oligopole" s'est progressivement "imposé aux élus", à savoir la présence de seulement deux acteurs sur le marché, les groupes mutualistes Smacl, filiale de la Maif, et Groupama, qui assure environ 20.000 petites communes.
Des risques naturels, météorologiques et sociaux qui grimpent
À cette concentration s'ajoute une "méconnaissance handicapante du patrimoine à assurer" par les collectivités elles-mêmes, faute de données solides. Or, si l'assurance de responsabilité civile des biens des collectivités est "généralement facultative", elle permet d'accéder au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Parallèlement, les risques naturels, météorologiques et sociaux ont grimpé : plus des deux tiers des bâtiments des collectivités sont notamment exposés aux risques d'inondation, de retrait-gonflement des argiles ou de mouvements de terrain.
"Certains biens ne sont pas assurables, comme Notre-Dame-de-Paris, parce que les remboursements en cas de sinistre ne sont pas à la hauteur de ce qu'une assurance peut faire", a rappelé jeudi la ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure dans une interview au groupe Ebra.
Des "risques sociaux"
"Il y a une catégorie de biens et de collectivités dans lesquelles peut-être nous allons encourager l'auto-assurance", a-t-elle ajouté, ce qui devrait s'accompagner d'une garantie d'intervention de l'État.
Pour éviter des disparités entre collectivités assurées ou pas, les auteurs préconisent de réfléchir à un dispositif de "mutualisation du risque social exceptionnel", sur le modèle du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ("Cat Nat") ou du Gareat (risque d'attentats), en prévoyant une incitation pour couvrir les zones les plus exposées.
Ce fonds serait alimenté par les 45 millions de contrats d'assurance des Français. Ils proposent aussi de créer une dotation pour les "risques sociaux" similaire à celle qui existe pour les risques climatiques (DSEC) et d'assortir cette dernière d'un volet "aide d'urgence".
Selon France assureurs, le montant des indemnisations versées aux collectivités pour les dommages aux biens lors des émeutes de 2023 représente 204 millions d'euros, soit 26 % du total. Le rapport recommande enfin d'associer les assureurs aux politiques des collectivités pour mieux prévenir les risques, et d'introduire plus de négociation dans les contrats, aujourd'hui passés par appels d'offres. "Tout ce qui touche à la commande publique va faire l'objet d'un travail rapide", a précisé Mme Faure.