"Je suis vraiment très surprise, atterrée." Interrogée par Europe 1, maître Fatima Raji, conseil de Ziyed B., refuse d'y croire. Samedi, son client a été abattu après avoir agressé une militaire en se disant prêt à "mourir" au nom d'Allah, à l'aéroport d'Orly, près de Paris. Ce Français d'origine tunisienne, âgé de 39 ans, avait été condamné à plusieurs reprises pour des vols et trafics de stupéfiant. Depuis sa sortie de prison, en novembre 2016, il était "déprimé" selon son père. Mais son avocate et ses proches le martèlent : rien dans son comportement ne laissait présager une éventuelle radicalisation.
Un homme calme et poli. "J'avais vraiment le sentiment qu'il souhaitait avancer, tourner la page sur son passé, se réinsérer, mener une vie tranquille", explique Me Raji. L'avocate décrit un homme calme, toujours poli et qui ne posait aucun problème en détention. C'est grâce à ce profil qu'elle avait obtenu sa libération sous contrôle judiciaire à l'automne. Depuis, Ziyed B. habitait un appartement voisin du commissariat de Garges-Lès-Gonesse, dans le Val-d'Oise. "Pour moi, ce n'est pas quelqu'un qui allait commettre l'irréparable", estime son voisin du dessous, Hamid. "Je le voyais partir le matin, rentrer le soir. Après le dîner, il allait fumer une cigarette, il remontait chez lui et voilà. Je ne pense pas que c'était quelqu'un de radicalisé".
Les propos prononcés par le suspect avant sa neutralisation laissent pourtant penser le contraire. "Posez vos armes, je suis là pour mourir par Allah. De toute façon, il va y avoir des morts", a asséné Ziyed B. aux militaires qu'il visait, samedi matin. Plus tôt dans la matinée, le trentenaire avait pris pour cible trois policiers et légèrement blessé l'un d'entre eux lors d'un contrôle routier. Il s'était ensuite rendu dans un bar qu'il avait l'habitude de fréquenter, mettant en joue les clients sans faire de blessés. "Il se trouvait dans une suite de fuite en avant, avec un processus de plus en plus destructeur", a analysé le procureur de Paris, François Molins.
"L'effet de l'alcool et du cannabis". Cette "fuite en avant" était-elle préméditée, ou a-t-elle été "déclenchée" par le contrôle des policiers ? C'est l'une des questions primordiales des enquêteurs. Signalé pour s'être radicalisé en prison en 2011-2012, Ziyed B. n'était pas fiché S. En 2015, au début de l'état d'urgence, une perquisition menée à son domicile n'avait rien donné. "Mon fils n'a jamais été un terroriste", a assuré son père à Europe 1. "Jamais il fait la prière, il boit. Et sous l'effet de l'alcool et du cannabis, voilà où on arrive…" Au moment de son altercation avec les militaires d'Orly, l'assaillant avait un taux d'alcoolémie de 0,93 gramme par litre de sang et se trouvait sous l'emprise de stupéfiants. À son domicile, les enquêteurs ont trouvé des traces de cocaïne et une machette.
Pour son père, Ziyed B. a été pris dans un engrenage, dû notamment à de mauvaises "fréquentations". Tôt samedi matin, lors de leur dernier échange, son fils, qui l'appelait de l'autoroute, lui a dit avoir fait "une connerie avec un gendarme". "Il était énervé à l'extrême, même sa mère n'arrivait pas à le comprendre." Mais pour le procureur, plusieurs éléments montrent que l'homme était déterminé à "aller au bout de ce processus". Le choix de sa cible, l'aéroport d'Orly, correspond notamment aux mots d'ordre diffusés par les organisations terroristes djihadistes. Les données téléphoniques du suspect, en cours d'examen par les enquêteurs, doivent désormais permettre de retracer plus précisément ses contacts récents et son parcours dans les jours précédent l'attaque. Et pourraient indiquer si une radicalisation récente a pu échapper aux services de renseignement.