"Nous n’avons plus peur car la police a tué les méchants". Ce mot d’enfant s’amoncèle parmi tant d’autres sur l’une des étagères des Archives de Paris. Quelques jours après les attentats, l’institution a entrepris un colossal travail de mémoire. Après avoir photographié les milliers de témoignages de soutien déposés sur les sites des attaques du 13 novembre, les employés des Archives de Paris ont tout rapatrié Boulevard Sérurier, dans le 19eme arrondissement de Paris.
>> Europe 1 s’est rendu aux Archives de Paris où les employés restaurent et conservent un peu de mémoire des attentats.
1 - "SQ. Bataclan. Angle Blv Lenoir/Blv Voltaire. 15.12.2015". Une affiche indique le lieu et la date où les documents qui sèchent désormais sur une étagère ont été collectés.
2 - Dans ce lieu austère, presque clinique, s’agglutinent poèmes, photos, livres, dessins... Il a fallu pousser les murs de ce bâtiment, devenu trop exigu, pour accueillir un peu de mémoire des attentats. Une salle de réunion a été mise à disposition.
3 - Abimés par la pluie, jaunis par les feuilles d’automne qui les avaient recouverts, ces documents sont devenus "l’urgence" des archivistes, lancés dans une lutte contre le temps, l’humidité et les moisissures. Ici, un mot laissé sur un agenda sèche sur une étagère. Après 24 heures de séchage à température ambiante, les archivistes nettoient minutieusement chaque pièce à l'aide d'une petite brosse et d'une gomme.
4 - Sur les soixante-dix employés des Archives de Paris, dix se sont portés volontaires pour collecter les hommages laissés sur les sites des attentats. Audrey Ceselli, qui a collecté de nombreux messages au Bataclan, isole un mot glissé dans une protection plastique "qui a l’inconvénient de garder l’humidité, donc de moisir".
5 - "Si on commence à lire on va se laisser submerger. On ne peut pas prendre le temps de les lire", confirme Audrey Ceselli. Gérald Monpas, qui "sauve" chaque jour des centaines de documents laissés sur les lieux des attentats, ne peut, lui, s’empêcher de lire les mots et dessins d’enfants, qui sont particulièrement nombreux. Les autres, il évite. Il n’a pas le temps. Il se protège aussi.
6 – "On a pris de plein fouet un événement historique. On sait que l'on est au cœur de l'histoire. Ce que l'on fait, on le fait aussi pour les générations à venir", confie Gérald Monpas, archiviste.
7 - "Le Carilllon, le Petit Cambodge, il y avait beaucoup de mots très personnels avec des photos. Au Bataclan, un peu moins, c'était des mots généraux sur la tristesse et l'horreur sur l'ensemble des attentats", rapporte Audrey Ceselli. Le directeur des Archives de Paris, lui, a été marqué par le nombre impressionnant de messages laissés par différentes communautés étrangères : kurdes, syriennes, chinoises, etc.
8 - Après avoir été séchés et restaurés, les documents sont stockés dans des cartons, en vue d’être désinfectés. "Ils sont mis en quarantaine dans une salle", détaille un employé. Les premiers documents doivent être désinfectés mercredi. Un prestataire externe se charge de les stériliser, avec un gaz spécial. Ils seront ensuite inventoriés, numérisés, et mis en ligne sur un site accessible à tous.
9 - Les objets - peluches, guitare, drapeaux - ne sont, en théorie pas ramassés, puisqu’ils ne présentent pas de risque de détérioration rapide. Certains ont toutefois été récupérés par les archivistes.
Ce travail de collecte et d'archivage sera mené progressivement "durant quelques mois, jusqu'au retrait définitif des sites d'hommage", explique Guillaume Nahon, le directeur des Archives de Paris. Après les attentats de Madrid en 2004, l'archivage avait duré six ans. A Paris, il faudra aussi, probablement, quelques années.