Pour certains lycéens, le bac n'est pas le seul grand enjeu de la semaine. Plusieurs d'entre eux, en effet, ont fait le choix de manifester contre la loi travail mardi, lors de la grande journée de mobilisation nationale. La FIDL et l'UNL, les deux principales organisations lycéennes, ont d'ailleurs appelé à descendre dans la rue, la veille du début des épreuves de philosophie du baccalauréat 2016. Peut-on concilier militantisme et révision du bac ? Europe 1 a posé la question à Sulayna, Simon, Giuseppe et Adrien, aspirants bacheliers et anti-loi Travail convaincus.
" Tant pis pour vous, c'est votre choix, vous assumez "
Simon, en terminal ES, est même venu de la Creuse pour manifester mardi. Il met entre parenthèses ses révisions le temps d'une journée, après avoir raté déjà une vingtaine d'après-midi de cours dans l'année, pour participer au mouvement anti-loi El Khomri. "Je suis confiant. Je me suis débrouillé pour rattraper la plupart des cours, j'ai fait mon calcul en fonction de la date des épreuves. Certains professeurs ont aussi bien voulu me donner des cours le soir, en dehors de leurs horaires", raconte-t-il à Europe 1. "On a aussi organisé des séances collectives avec ceux qui ont participé aux manifestations, au sein du lycée. On voulait un peu mettre la pression aux enseignants, pour qu'ils comprennent que beaucoup d'élèves étaient concernés. Certains ont accepté de nous aider, d'autres nous ont dit 'tant pis pour vous, c'est votre choix, vous assumez'. Au final, j'ai réussi à garder la même moyenne générale qu'avant les grèves, même si cela a baissé dans certaines matières".
Giuseppe, en première ES dans un lycée parisien, a raté une quinzaine de jours de cours au total dans l'année. Il est une nouvelle fois venu battre le pavé mardi. Pourtant, le bac de français l'attend dès vendredi. "Cela n'a pas été simple de rattraper les cours, mais on y arrive. On révise chez nous, on se sert des manuels, d'internet, des cours que l'on nous a prêtés. Et puis on s'entraide aussi, avec des séances de révisions collectives, solidaires. Ma moyenne a baissé un peu. Mais chacun fait ses calculs, on essaie de ne pas louper les contrôles importants et de réviser ce qu'il faut", confie-t-il.
" Cela a commencé à se ressentir sur ma moyenne et mon comportement "
Même son de cloche chez Adrien, également en 1ère ES. Comme Giuseppe, des épreuves l'attendent vendredi (Français) et mardi (SVT). Mais il est tout de même dans la rue mardi pour tenter de faire reculer le gouvernement. Est-il inquiet pour le bac ? Pas plus que d'autres, assure-t-il. "J'ai participé à toutes les manifestations. J'ai dû rater environ 26 demi-journées de cours. Mais cela ne m'a pas posé de soucis. J'ai réussi à tout rattraper. J'ai récupéré les cours, j'ai fait des recherches sur internet. Et puis nous nous sommes entraînés entre camarades", assure-t-il lui aussi.
Sukayna, en terminale "Gestion des administrations", ne participe pas, pour sa part, à la manifestation de mardi. Elle a pourtant elle aussi raté de nombreuses heures de cours dans l'année pour dénoncer une loi "injuste". "J'ai décidé de me ressaisir. J'ai réussi à me mettre à jour dans les cours mais cela me fait réviser un peu au dernier moment", explique-t-elle aujourd'hui. "Au départ, j'accordais plus d'importance aux manifestations qu'au bac. Mais cela a commencé à se ressentir sur ma moyenne et mon comportement. Plusieurs professeurs m'ont dit que j'étais trop dispersée, trop engagée. J'ai réussi à accrocher la moyenne cette année mais cela ne reflète pas du tout les notes que j'ai d'habitude. Je suis une bonne élève", martèle-t-elle. Regrette-t-elle son engagement ?
" Cette loi nous touche en tant que futurs salariés "
"Je ne regrette rien. Au contraire, j'aurais regretté de ne pas participer au mouvement", rétorque-t-elle. "Je suis une personne très engagée, je déteste les injustices. Et je trouve que cette loi est injuste envers les salariés. Surtout, je crois que le gouvernement n'a pas compris ce qu'était une démocratie. L'exécutif, comme son nom l'indique, doit exécuter ce que décident les élus, désignés par le peuple. Or, le gouvernement a contourné le Parlement. Avec le 49.3, l'exécutif a ôté tout son sens à la démocratie", argumente Sukayna.
Adrien, Giuseppe et Simon ne regrettent pas non plus, loin de là. Leurs arguments sont bien rôdés, et ils assument leur opposition à la loi. "Elle nous touche en tant que futurs salariés. Nous serons sur le marché de l'emploi d'ici cinq ans. Avec la hiérarchie des normes imposée par la loi Travail (l'accord d'entreprise devient supérieur à l'accord de branche), les entreprises auront le pouvoir de nous faire travailler plus, de créer des emplois du temps discontinus, ce n'est pas acceptable", assène Adrien. "Je ne regrette pas du tout. On se bat pour avoir des bonnes conditions de travail. Le boulot, ça va nous suivre toute notre vie", enchaîne Simon. Et Giuseppe de conclure : "Nous voulons pouvoir espérer de la stabilité, trouver encore des CDI lorsqu'on sera sur le marché du travail".