"Le bac tel qu'il existe aujourd'hui est arrivé à la fin d'une époque et il faut passer à autre chose". Jean-Michel Blanquer a donné lundi le coup d’envoi de la réforme du baccalauréat. Le ministère de l'Education nationale lance en effet une mission en ce sens, et en a donné les rênes à l'ancien directeur de Sciences-Po Lille, Pierre Mathiot. Ce dernier a désormais deux mois pour entendre tous les acteurs du lycée - chefs d'établissement, inspecteurs ou encore représentants des professeurs - et proposer une réforme qui devra entrer en vigueur en 2021. L’objectif, notamment, est la création d’un examen final resserré, avec quatre matières principales, le reste devant être noté tout au long de l’année.
Mais la réforme du bac passera aussi par une réforme du lycée. Et lors d’un entretien au magazine L’Etudiant fin octobre, Pierre Mathiot donnait quelques pistes à ce sujet. "Aujourd'hui, presque 50 % des bacheliers mention très bien obtiennent ce résultat grâce aux points supplémentaires des options facultatives. Cet exemple, parmi d'autres, m'interpelle un peu...", expliquait-il. Contacté par Europe 1, le ministère explique également qu’il veut en finir avec les notes moyennes de 21 sur 20 et la multiplication des mentions "Très Bien" qui ne reflètent pas véritablement le niveau de l’élève. En ligne de mire, là encore : la multiplication des options, qui permettent d’élever la moyenne grâce à des "stratégies". Mais comment fonctionne ce système d’options aujourd’hui et pourquoi pose-t-il problème ? Eléments de réponse.
Des langues vivantes à la Lutte bretonne
Aujourd’hui, chaque lycéen peut choisir, dès la seconde, deux options facultatives. Chaque option représente en moyenne trois heures supplémentaires de cours par semaine. Les cours sont évalués lors d’un examen final en terminale. Et cela peut constituer un atout de poids dans la course au baccalauréat : si l’élève n’a pas la moyenne, la note n’est pas comptabilisée. Mais chaque point au-dessus de 10/20 est pris en compte pour la moyenne finale, en fonction du coefficient de la matière (qui peut aller jusqu’à coefficient 3 pour le latin et le Grec et 4 pour les langues vivantes).
Aujourd’hui, en France, il existe pléthore d’options disponibles. Et l’offre est différente selon le lycée et/ou la région dans laquelle il se trouve. Ainsi, 59 langues dont 36 dites "rares" ou régionales sont proposées, parmi lesquelles le breton, le basque mais aussi l’albanais, le swahili ou le laotien. Danse, cinéma, théâtre, musique, sports, langues des signes, voire échecs sont aussi proposés un peu partout en France. Certains établissements bordelais vous offrent même la possibilité de faire du surf et vous pouvez même choisir "lutte bretonne" à Rennes.
Certaines options sont spécifiques aux filières technologiques. Mais dans le cadre d’une filière générale (L, ES ou S), chaque élève peut choisir l’option qu’il souhaite si son établissement la propose. Ainsi, rien n’empêche un lycéen de filière scientifique de faire Arts-Plastiques, danse ou échec, par exemple.
Quel impact ces notes ont-elles sur le résultat final ?
Selon une note de 2014 de la Depp, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance [DEPP], l’impact des matières facultatives sur la note générale des élèves est limité. Seuls 20% des élèves en tirent un bénéfice concret (l’obtention du bac ou d’une meilleure mention grâce à elles). En moyenne, si l’on prend l’ensemble des élèves ayant suivi une matière facultative, les options ne font augmenter la note que de 0,3 points. Mais à y regarder de près, certains en profitent plus que d’autres. Ainsi, 11% des élèves ayant pris une option obtiennent en effet une mention supérieure grâce à elle, et 5% obtiennent une mention tout court. 3% ont même obtenu le bac grâce à leur option.
" 53% des jeunes de milieu populaire ne présentent aucune option quand ce n'est que 39% des enfants de famille favorisée "
"Ainsi l'option donne très rarement le bac. Mais elle est un marchepied pour une minorité vers la mention", résument les Cahiers pédagogiques dans un commentaire de la note de la Depp. Et de poursuivre : "Qui est cette minorité ? D'abord des lycéens des séries générales, c'est-à-dire déjà socialement plus favorisés que les lycéens du technologique ou du professionnel. Parmi eux les jeunes de milieux favorisés ont deux fois plus de chances de présenter deux options que ceux des familles défavorisées (19 et 10%). Et 53% des jeunes de milieu populaire ne présentent aucune option quand ce n'est que 39% des enfants de famille favorisée".
Un système qui coûte cher
Autre raison qui pourrait pousser le gouvernement à s’intéresser de près aux options : leur coût. Régulièrement, celui-ci est pointé du doigt. En 2006 déjà, l’Inspection générale des finances affirmait que la suppression des cours de langue réunissant moins de 15 élèves permettrait d’économiser 3.000 postes d’enseignants. "On sait qu'elles expliquent pour une bonne part le coût élevé du lycée par rapport aux autres niveaux de l'enseignement scolaire. Le coût moyen d'un lycéen est de 9.660 euros contre 8.370 euros pour un collégien ou 5870 euros pour un écolier. Ce coût est nettement plus élevé en France que dans les autres pays de l'OCDE", soulignent également les Cahiers pédagogiques.
Reste une question : faut-il les remodeler ou les supprimer ? La philosophie de Pierre Mathiot, le nouveau monsieur Bac du gouvernement, semble incliner vers la première solution. Il a en effet déjà fait savoir qu’il était prêt à envisager un baccalauréat encore plus "à la carte", ce qui pourrait passer par une suppression des filières (L, ES et S). En clair, il y pourrait y avoir... encore moins de matières en commun, pour un parcours encore plus individualisé.
Mais pour gommer les défauts du système actuel, les éventuels futurs "cours à la carte" ne devront plus être choisies pour faire monter la moyenne, mais pour "préparer l’avenir". En clair, si option il y a encore dans le futur, elle devra probablement être choisie en fonction du projet d'avenir du lycéen. "Le bac doit à la fois certifier une qualité atteinte à la fin de l'enseignement secondaire, mais aussi aider à réussir par la suite", a encore insisté lundi Jean-Michel Blanquer dans Le Parisien. Le but du ministre : "que chacun cultive son excellence, dans un domaine donné qu'il ou elle aurait choisi". En clair, il ne s’agit pas de supprimer les options, mais de leur donner plus de cohérence. D’où l’importance de développer l’orientation au lycée, l’un des autres grands chantiers que va lancer le ministre.