Dix squats ont été démantelés lundi, au premier jour de l'opération d'expulsion menée sur la ZAD. Des affrontements ont éclaté entre les occupants et les forces de l'ordre.
Il fait nuit et mauvais mais personne ne dort à Notre-Dame-des-Landes. D'un côté, vingt-cinq escadrons de gendarmerie mobile affûtent leur dispositif, patrouillant dans la boue autour de la célèbre Zone d'aménagement différé, devenue zone à défendre (ZAD). De l'autre, ses occupants se tiennent prêts, rassemblés en différents points stratégiques du terrain de 1.650 hectares. La majorité d'entre eux a choisi de ne pas régulariser leur situation après l'abandon du projet d'aéroport, en déclarant par exemple un projet agricole individuel. Après quelques mois de latence, le gouvernement a promis d'expulser les occupants "illégaux" à l'issue de la trêve hivernale. Des hélicoptères survolent le champ détrempé. C'est le calme avant la tempête.
Pneus enflammés et sommaires barricades. Le coup d'envoi de l'évacuation est donné à 3 heures du matin. Au pas de course, boucliers à la main, les gendarmes pénètrent sur le site et entreprennent le déblayage de la départementale 281, la fameuse "route des chicanes" qui traverse la ZAD. Dans la nuit, militaires et manifestants se jaugent et se filment mutuellement : 200 des gendarmes sont équipés de caméras, censés fournir les images de l'opération à des journalistes tenus à bonne distance. Côté zadiste, on poste des vidéos filmées au téléphone portable sur les réseaux sociaux.
"Nous on se défendra, c'est tout ce qu'on a à dire", témoigne un irréductible. Au lieu-dit du "Lama fâché", l'un des premiers sur la route des forces de l'ordre, les militants ont enflammé des pneus et installé de sommaires barricades. Contrairement à l'opération César, achevée sur un fiasco en 2012, les zadistes ont cette fois peu mobilisé en dehors de leurs rangs, malgré de nombreux appels aux renforts sur les réseaux sociaux. Face aux blindés de la gendarmerie, les installations de fortune ne pèsent pas lourd. Plusieurs dizaines de fourgons commencent à s'engager sur la départementale, entourés des restes de pneus brûlants.
"Evidemment qu'on a peur". Entre gendarmes et zadistes, les premiers heurts éclatent vers 6 heures. Des projectiles sont lancés sur les militaires, dont un est blessé à l'oeil. Ces derniers ripostent par des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes, au niveau des "fosses noires", autre lieu de vie de la ZAD. "Ne restez pas sur l'axe, reculez", intime un gendarme à des manifestants, qui répondent par des insultes. "On ne va pas gagner militairement contre des tanks", glisse Geneviève, occupante de 70 ans. "Evidemment qu'on a peur. Il faudrait vraiment être très prétentieux pour ne pas avoir peur."
En retrait des affrontements, la vie continue de s'organiser dans les terrains encore occupés de la ZAD. Le temps d'un café, les militants retirent leurs foulards, masques de plongée ou de ski et lunettes de piscine. Le ciel, désormais éclairé, est toujours gris. Entre "Lama fâché" et les "fosses noires", les gendarmes ont pris possession de plusieurs cabanes de fortune. Les tractopelles entrent en action pour de premières destructions. "On ira les reconstruire cette nuit !", promet un zadiste.
Sept personnes en garde à vue. Peu à peu, l'évacuation progresse. Aux "100 Noms", un autre lieu-dit en bordure sud-est du terrain, les zadistes sont priés de descendre du toit d'un hangar dont ils tentent d'empêcher la destruction. À l'intérieur, des projets agricoles non déclarés sont menés depuis plusieurs années. Les animaux ont été évacués en amont de l'opération mais un panneau indique toujours "attention, moutons méchants". Pour disperser une chaîne humaine, les gendarmes usent à nouveau de gaz lacrymogènes, recevant en échange des mottes de boue. Les deux camps en viennent au corps à corps, les boucliers des militaires repoussant petit à petit les militants.
En fin d'après-midi, les tractopelles ont détruit la tour de bois et le chapiteau du "Lama fâché", lieux symboliques de Notre-Dame-des-Landes. En une journée, treize de la quarantaine de squats identifiés par les forces de l'ordre ont été "traités", c'est à dire vidés de leurs habitants au minimum, voire détruits. Le gendarme blessé est sorti de l'hôpital et sept zadistes se trouvent en garde à vue. Tant annoncée, l'évacuation est enfin entamée et progresse vite. Elle devrait se poursuivre dans les prochains jours.