Teodorin Obiang, le fils du président de Guinée équatoriale, soupçonné de s'être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris, a-t-on appris mercredi de source proche de l'enquête.
Premier procès du genre. Âgé de 47 ans, promu fin juin par son père Teodoro Obiang Nguema vice-président de Guinée équatoriale, il est poursuivi pour blanchiment d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance et de corruption, a précisé cette source. "La France va accueillir le premier procès sur les biens mal acquis", s'est félicité William Bourdon, avocat de l'ONG Transparency International France et président de Sherpa.
De l'argent "de la corruption". L'instruction a permis d'établir que Teodorin Obiang a acquis "en France, entre 2007 et 2011, soit directement, soit par l'intermédiaire de prête-noms ou sociétés écrans, un patrimoine mobilier et immobilier évalué à plusieurs dizaines de millions d'euros", ont relevé les juges dans leur ordonnance rendue lundi, selon une source proche du dossier. Il s'est constitué ce patrimoine alors qu'il était ministre de l'Agriculture et des Forêts en investissant en France l'argent "de la corruption" et "le produit des détournements de fonds publics" dans son pays, ont-ils ajouté, suivant les réquisitions du parquet national financier (PNF) qui avait demandé le 23 mai son renvoi en procès.
Multiples actions en justice. Hôtel particulier de 4.000 m2 dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, voitures de marques prestigieuses, acquisition d'une partie de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé pour 18,3 millions d'euros, grands crus, costumes sur mesure: les dépenses somptuaires de Teodorin Obiang en France étaient très éloignées du quotidien du petit pays pétrolier d'Afrique centrale, dont plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Teodorin Obiang a multiplié les actions en justice pour tenter de mettre un terme à la procédure française. Mis en examen en 2014, il a essayé en vain de faire annuler les poursuites à son encontre, invoquant son statut à l'époque de deuxième vice-président de Guinée équatoriale qui octroyait à ses yeux une immunité.
Mais la Cour de cassation avait estimé que les faits reprochés avaient été commis à "des fins personnelles", relevant de sa vie privée et donc détachables des fonctions étatiques protégées par la coutume internationale. Le camp Obiang s'est aussi tourné vers la justice internationale: la Guinée équatoriale a saisi le 13 juin la Cour internationale de justice de La Haye, le plus haut organe judiciaire de l'ONU, pour que soit mis fin aux procédures engagées en France.