Brahim Kermaoui a 40 ans et il veut savoir qui il est. Car en réalité, Brahim Kermaoui n'est pas son vrai patronyme. Tout a basculé pour lui à l'âge de 13 ans, lorsqu'il découvre qu'il a été adopté. Chez Christophe Hondelatte mercredi, il évoque son enfance malheureuse jusqu'à la découverte de la vérité.
"Il n’y avait pas d’amour". Brahim a cinq ans lorsque son père quitte le domicile familial, à Gennevilliers, en banlieue parisienne, alors qu'ils viennent tous les trois d'arriver en France. Il va vivre alors avec sa mère, dépressive, qui passe ses journées à pleurer et un oncle alcoolique, ivre du matin jusqu'au soir. Sans repères, livré à lui-même, Brahim passe une enfance compliquée. "Il n’y avait pas d’amour, il y avait une distance", se souvient-il au micro d'Europe 1.
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À l'âge de 13 ans, il rentre tard, un soir, et tombe sur son oncle alcoolique. Ce dernier le frappe. Des coups, encore et encore, au point que Brahim passera un mois à l'hôpital. Convoqué par la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales), sa mère révèle alors que Brahim n'est pas son fils. Il a été adopté à l'hôpital de Berkane, au Maroc. Ses vrais parents seraient morts dans un accident de voiture. Elle dit aussi qu'elle ne veut plus de lui.
L'identité d'un mort. Brahim Kermaoui enchaîne alors les familles d’accueil, mais cela se passe mal. À 18 ans, il fait un séjour de 4 mois en prison pour un cambriolage, puis retourne chez sa mère une fois libre. C'est lorsqu'il rencontre Farida, sa femme, que les choses vont enfin changer. Cette dernière l'encourage à se lancer dans une enquête sur sa naissance, au Maroc. Brahim Kermaoui a 32 ans, en 2010, lorsqu'il décide de se rendre à Berkane, rencontrer les oncles et tantes de sa famille adoptive. C'est à ce moment-là qu'on lui fait une seconde révélation, presque aussi terrible.
Brahim Kermaoui et Christophe Hondelatte © Europe 1
Sa tante lui annonce qu'il n'est même pas Brahim Kermaoui. Un été, ses parents sont venus au Maroc et sont allés à l’hôpital, d'où ils sont revenus avec un bébé, né sous X. Ils se sont alors arrangés avec la préfecture, pour qu'aucune trace d'adoption n’apparaisse. Mais ce bébé, lui confie sa tante, ce n’est pas lui. Car cet enfant est mort 15 jours après. Les parents adoptifs ont ramené le bébé mort à l'hôpital, où on leur a donné un autre nourrisson, qui a gardé les papiers d'identité du bébé décédé. Brahim porte en réalité l'identité d'un mort.
Bébé volé. Infirmières, avocats, autorités, Brahim Kermaoui a tout tenté pour connaître sa véritable identité, en vain. Ses parents adoptifs sont morts, emportant avec eux leur secret dans la tombe. "Je pense que mes parents m’ont acheté", confie Brahim. "Ils voulaient combler un trou qu’ils avaient, car ils ne pouvaient pas avoir d’enfant. (...) Je pense qu’ils ont fait quelque chose de pas bien", ajoute-t-il. En mai dernier, les autorités espagnoles ont annoncé avoir découvert un vaste réseau de "bébés volés", au Maroc, actif dans les années 1970 et 1980, justement dans la région où Brahim a été confié à ses parents adoptifs. Pour lui, il fait partie de ces enfants volés. Il est convaincu que ses vrais parents "sont toujours vivants" et ne sont jamais morts dans un accident de la route.
Brahim Kermaoui ne perd pas espoir de retrouver sa véritable identité et ses parents biologiques. Mais ces demandes administratives, faites au Maroc, ont pour l'instant toutes échouées. "Il n’y a que le roi du Maroc, Mohammed VI, qui peut m’aider à faire mes recherches, à rouvrir l’enquête", affirme-t-il. "C'est mon dernier espoir".