A maux profonds, traitement de choc. Confronté aux études toujours plus alarmistes sur le niveau des élèves français, le ministre de l’Éducation nationale réagit en prônant le retour du "b.a.-ba". Jean-Michel Blanquer a signé et publié jeudi quatre circulaires adressées aux enseignants d’école primaire. Il y détaille ses recommandations sur la méthode à appliquer en classe pour redresser le niveau des enfants en maths et en français.
- Des comptines pour apprendre à compter
Selon l’enquête internationale Timss, portant sur les mathématiques et publiée en 2016, les élèves de CM1 sont mauvais en maths. Près d’un élève testé sur deux fait partie du groupe le plus faible. Jean-Michel Blanquer attaque le mal à la racine et fixe l’objectif de savoir compter "jusqu’à 30 en fin de grande section" de maternelle. "Toutes les occasions doivent être saisies (ou provoquées) afin de faciliter la mémorisation de la suite orale", stipule la circulaire. Cet apprentissage peut notamment passer par la récitation de comptines comme la célèbre : "Un, deux, trois, j'irai dans les bois ; quatre, cinq, six…".
- Favoriser les réflexes de calcul mental
Dès la fin du CP, les élèves devront connaître les tables d’addition (jusqu’à 10) par cœur. Pour les tables de multiplication, tout doit être maîtrisé à la fin du CE2. En plus d’améliorer le niveau des élèves pour les opérations écrites, le ministère souhaite développer chez eux un "sens des opérations" destiné à faciliter le calcul mental, en ligne ou en colonne. Pour y arriver, les professeurs doivent y consacrer au moins 15 minutes par jour. "On privilégiera l'alternance de séries de séances d'entraînement courtes (10 à 15 minutes) avec des séances longues (30 à 45 minutes) visant des apprentissages procéduraux spécifiques", spécifie la circulaire.
- Lecture : priorité à la méthode syllabique
Les élèves ne sont pas meilleurs en français qu’en maths. La faute, selon le ministre à la trop grande diversité des méthodes d’apprentissage. "Entre quelque chose qui ne marche pas – la méthode globale – et quelque chose qui fonctionne – la syllabique, il ne peut y avoir de compromis mixte", martèle Jean-Michel Blanquer dans Le Parisien. Pour l’apprentissage de la lecture, les enseignants doivent donc avoir recours uniquement à la méthode syllabique, qui consiste à décomposer les mots en groupes de lettres. Les enseignants sont priés de faire lire régulièrement des "phrases résistantes" et pas uniquement des phrases simples. Des ateliers en groupe pour aider les retardataires sont aussi recommandés.
- Des leçons de grammaire et de vocabulaire
C’est une pratique qui avait été oubliée, fondue dans l’apprentissage général du français. Dès le primaire, les manuels doivent présenter clairement des chapitres dédiés uniquement à l’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire. "Aujourd’hui, la leçon de grammaire existe dans les cahiers de certains élèves et pas dans d’autres. Les premiers ont de la chance. Les seconds non. Les enfants ont tous besoin de ces leçons", explique Jean-Michel Blanquer. L’objectif n’est pas n’uniformiser les pratiques (certains enseignants donnent déjà ces leçons) mais de créer "une référence". Au total, il faut désormais "consacrer au moins trois heures par semaine à un enseignement structuré de la langue", du CP au CM2 (puis quatre heures au collège).
- Des exercices d’écriture plus fréquents
Cet apprentissage de la langue doit servir également à redresser le niveau d’écriture en primaire. "Cette amélioration suppose une pratique régulière de l'écriture sous toutes ses formes et dans tous les champs disciplinaires", indique le ministère. Plus précisément, les enseignants devront réserver deux séances quotidiennes de quinze minutes à des "activités d'écriture aux formes variées : argumentation, invention, imitation dont l'objectif est aussi d'aider les élèves à s'approprier leur manière d'écrire". Jean-Michel Blanquer souhaite aussi que les enfants soient capables de former parfaitement toutes les minuscules.
- Des manuels plutôt que des photocopies
Pour s’assurer que ses recommandations seront bien suivies dans les classes, Jean-Michel Blanquer se mêle de la forme de l’apprentissage. Entre autres précisions apportées par les circulaires, il demande aux enseignants de privilégier l’emploi d’un unique manuel de lecture afin d’établir une cohérence dans l’apprentissage des textes. "Je recommande vivement l’existence d’un manuel pour tous les élèves, explicite, linéaire, clair. Il est un lien fondamental entre le maître et la famille, en permettant aux parents de suivre l’évolution de leur enfant", affirme le ministre. Le choix du manuel se fera ultérieurement et devra aboutir à "la fin progressive des photocopies".
Des nouveautés déjà vues ?
"Jean-Michel Blanquer enfonce des portes ouvertes." Les annonces du ministre de l'Éducation nationale ne font pas mouche chez tout les professeurs. Pour Clément Peyrottes, secrétaire départemental SE-Unsa Val de Marne et enseignant en CM1, il s'agit surtout d'un écran de fumée. "Il présente comme des nouveautés des éléments qui existent déjà dans les programmes et des pratiques déjà appliquées en classe depuis plusieurs années. La dictée quotidienne, les exercices de calcul mental, ce sont des choses que la plupart des enseignants font déjà aujourd'hui", souligne-t-il au micro d'Europe 1. Il reconnaît toutefois que les méthodes prônées par le ministre, si elles existes déjà, ne sont "pas obligatoires dans le programme, notamment sur le temps consacré à chaque exercice".