Jeudi, journée d'action nationale contre la loi Travail, environ 20% des stations françaises étaient en situation de pénurie totale ou partielle, selon l'Union française des industries pétrolière (Ufip). Face à ces ruptures totales ou partielles, les automobilistes se sont organisés et le gouvernement a commencé à puiser dans les stocks stratégiques de carburant. Mais le ton est monté par endroits, un automobiliste ayant fait un blessé en forçant un barrage.
LES INFOS À RETENIR :
- Cinq raffineries sur huit étaient bloquées, jeudi. Plusieurs dépôts étaient également inaccessibles.
- 20% des stations-service manquaient de carburant.
- Une voiture a forcé un barrage à Fos-sur-Mer, faisant un blessé.
- Manuel Valls a réaffirmé la volonté du gouvernement et assuré que la loi Travail ne serait pas retirée.
- Cinq raffineries et plusieurs dépôts encore bloqués
Mercredi, cinq raffineries sur huit étaient perturbées ainsi que de nombreux dépôts. Face à ces blocages, le gouvernement a choisi la manière forte, envoyant à l'aube les forces de l'ordre pour débloquer des dépôts. Ceux de Fos-sur-Mer et Douchy ont notamment été libérés. Sur la seule journée de mardi, 11 dépôts ont été débloqués. "Tout sera mis en oeuvre pour assurer l'approvisionnement aux Français et à l'économie", a promis François Hollande en conseil des ministres mercredi, selon le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. Mais quand certains dépôts rouvrent, d'autres sont bloqués : la CGT a bloqué jeudi les dépôts de Bastia et Ajaccio.
- Les stations-service davantage approvisionnées
Pour faire face aux problèmes d'approvisionnement des stations-service françaises, le gouvernement a commencé à puiser dans les stocks stratégiques. L'utilisation de ces stocks aurait réduit le nombre de stations impactées par la pénurie : jeudi midi, 20% des stations étaient en situation de pénurie partielle ou totale selon l'Ufip. Mais le décompte n'est pas aisé : de son côté, Total estime qu'un tiers de ses 2.200 stations sont impactés, tandis que l'application Essence estime que plus de 40% des stations sont concernées.
Selon le secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, la situation s'est malgré tout améliorée au cours de la journée de mercredi grâce à des "acheminements massifs" de carburants. Un constat confirmé par le président de l'Ufip : "les automobilistes se sont précipités pour remplir leur réservoir - la consommation a été de trois à cinq fois supérieure à la demande normale. Mais comme ils ne consomment pas tout de suite ce carburant, le phénomène est en train de se tasser", a déclaré Francis Duseux.
Pour maximiser les possibilités de livraison, le gouvernent a également autorisé, par arrêté, les transporteurs à déroger temporairement aux règles sur le temps de conduite et le repos. Mercredi soir, l'ensemble des préfets du Grand Ouest ont annoncé leur intention de lever leurs arrêtés de restriction d'approvisionnement en carburant "compte tenu des efforts très importants réalisés pour approvisionner le réseau des stations-service avec des quantités livrées dépassant les pics habituels", a expliqué la préfecture de la zone de défense et de sécurité ouest.
- Des tarifs en hausse
Face à cette situation, le prix à la pompe augmente. En une semaine, le prix d'un litre de gazole a augmenté de 6 centimes, ce qui représente environ 3,50 euros pour un plein de 60 litres. La hausse est similaire pour le sans-plomb. Les camions chargés d'approvisionner les stations doivent en effet faire plus de kilomètres en raison des blocages et le coût d'alimentation des stations est donc en hausse. Malgré cela, cette hausse des tarifs d'approvisionnement n'explique qu'en petite partie la montée des prix. Celle-ci est surtout imputable à la hausse du cours du pétrole qui a passé jeudi matin, pour la première fois depuis novembre, la barre des 50 dollars (44,70 euros).
- Un blessé sur un barrage à Fos-sur-Mer
Un manifestant contre la loi travail a été "sérieusement blessé" jeudi à Fos-sur-Mer après avoir été heurté par une voiture qui a forcé un barrage installé à l'appel de la CGT à un carrefour, a-t-on appris de source policière. La victime, âgée de 51 ans, prise en charge par les pompiers, a été héliportée vers un hôpital voisin. Le chauffeur du véhicule en cause, âgé de 25 ans, a pris la fuite avant de se rendre au commissariat de Martigues où il a été placé en garde à vue, a-t-on ajouté de même source.
- Des perturbations supplémentaires jeudi
L'acheminement du pétrole fut encore plus compliqué, jeudi, avec des arrêts de travail prévus dans "la plupart des ports", à l'appel de la fédération CGT des ports et docks. "En réponse à la répression" lors du déblocage des accès au dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer, le syndicat a prolongé son mouvement de 24 heures, jusqu'à vendredi. Ces derniers jours, des "initiatives territoriales" ont déjà perturbé l'activité de plusieurs ports, à Saint-Nazaire, Lorient et Brest. Le terminal pétrolier du Havre, par lequel transitent 40% des importations de pétrole françaises, est lui à l'arrêt jusqu’à vendredi après le vote de la grève lundi.
- Certaines professions tirent la sonnette d'alarme
Les professionnels souffrent aussi largement de la pénurie d'essence. Les transporteurs rencontrent de nombreux problèmes d'approvisionnement. Dans l'ouest, de nombreuses stations dédiées aux poids lourds sont à sec. "Des grévistes ont tendance, avec des voitures banalisées, à suivre les citernes et à dire aux chauffeurs d'éviter de livrer telle ou telle station ou de leur faire des menaces. Le chauffeur peut prendre peur et ne pas faire sa livraison. Bloquer l’économie avec ce genre de méthodes c'est très inquiétant", regrette Philippe qui dirige une entreprise de 15 camions à Nantes. Du côté de la Fédération française du bâtiment, on se dit "excédé" par la situation actuelle.
- Le gouvernement ne cédera pas
Malgré cela, le gouvernement n'entend pas céder aux syndicats. "La CGT ne fait pas la loi dans le pays", a lancé Manuel Valls mercredi à l'Assemblée nationale, excluant aussi bien le "retrait" du projet de loi que la "remise en cause" de son très contesté article 2, qui donne la primauté aux accords d'entreprises dans l'aménagement du temps de travail. De son côté, la CFDT, principal soutien syndical au projet de loi, a estimé qu'un retrait serait "inacceptable". "Hors de question que le gouvernement renonce à ses engagements", a déclaré Laurent Berger.
Quant à la CFE-CGC, qui réclame des modifications de la réforme plutôt que son retrait, elle s'est insurgée contre "la prise en otage et la paralysie de la France", craignant qu'elles ne "torpillent" le début de reprise économique du pays. Le Premier ministre a en outre annoncé qu'il recevra samedi les acteurs du secteurs pétroliers pour faire le point sur la situation.