Sécheresse dans le Doubs, inondations du Tarn au Var, cette semaine, la météo a montré que le changement climatique est bel et bien une réalité. Au-delà du nombre de victimes, ces catastrophes naturelles ont un coût qui devient de plus en plus pesant pour les assureurs. A titre d'exemple, l'ouragan Irma qui a dévasté les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, le 6 septembre 2017, a coûté 1,83 milliard d'euros, un record. Face à cette augmentation des dégâts, les assureurs tirent la sonnette d'alarme : leur modèle économique est en danger, et leur avis compte beaucoup plus qu'il n'y paraît.
Arnaud Chneiweiss, délégué général de la Fédération Française de l’Assurance et Laurence Tubiana, ex-négociatrice en chef de l’accord de Paris à la COP 21 en 2015, sont unanimes sur l'aggravation des fréquences et de l'intensité de ces événements. Ils ont évoqué l'inquiétude des assureurs, alors que les coûts des catastrophes naturelles s'envolent, vendredi matin chez Wendy Bouchard.
Un coût qui pourrait doubler. "Après le passage d'Irma, la grande question qui s'est posée a été 'l'assurabilité' de Saint-Martin", dévoile Arnaud Chneiwess. "Désormais, il y a seulement trois assureurs qui restent actifs sur ce territoire, les autres estiment que les risques sont trop importants", révèle-t-il avant de dérouler : "En marge de la COP 21, nous avions demandé une étude qui a montré que le coût des catastrophes naturelles pourrait doubler en France, entre les 25 dernières années, et les 25 prochaines années". Une tendance qui semble déjà se dessiner puisque "ces dernières années, les catastrophes naturelles ont coûté plus de 3 milliards d'euros aux assureurs, alors qu'il y a 20-30 ans, c'était 1 milliard". Rien qu'en juin dernier, les inondations et les forts orages qui ont balayé la France ont été évalués par la fédération française de l'assurance à 430 millions d'euros.
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La limite d'un modèle économique. Cette aggravation des fréquences, de l'intensité et du coût de ces catastrophes naturelles a poussé les assureurs à se positionner sur le plan politique en remettant "la question du changement climatique sur l'agenda politique", affirme Laurence Tubiana au micro d'Europe 1. "Il y avait cette idée que le réchauffement climatique était pour demain, mais les assureurs, qui surveillent les tendances à court, moyen et long terme, ont vu l'évolution des coûts et ont prévenu les dirigeants qu'à un moment, ils vont dire 'stop'", explique l'ex-négociatrice en chef de la COP 21. "Et on voit que c'est en train d'arriver".
Les assureurs en passe de jeter l'éponge ? "Les assureurs commencent à dire : 'Si on va vers un réchauffement climatique à trois voire quatre degrés, on ne pourra plus faire notre métier, parce qu'il n'y a pas de modèle économique qui puisse le faire", déroule-t-elle avant de prendre pour exemple "Swiss Re, l'un des deux grands réassureurs mondiaux, le filet de sécurité des assurances, a menacé de refuser d'assurer les zones côtières, si le climat continuait de se dérégler de la sorte". Avant de préciser : "le développement économique des zones côtières est considérable, y compris en France, il en constitue probablement l'essentiel. [...] Il est donc primordial d'entendre ce signal d'alarme. Et la COP 21 doit beaucoup à ce secteur économique qui a prévenu qu'ils ne pourront plus être là".
De son côté, l'Etat semble avoir entendu la crainte des assureurs, puisqu'Emmanuel Macron a annoncé, lors de son déplacement à Saint-Martin, fin septembre, une réforme du régime de catastrophe naturelle "plus rapide, plus généreux, mais aussi plus incitatif [...] d'ici à l'été 2019".