Il y a un an et demi, Céline apprenait que son fils aîné, Gabin, alors âgé de trois ans, était atteint d'une leucémie. Avec son conjoint, sa famille et ses proches, elle a dû faire face. Elle en a parlé à Olivier Delacroix lundi.
Cela fait un an et demi que Céline, 30 ans, et sa famille mènent une bataille qu'aucun parent ne souhaite mener. À seulement trois ans, son fils Gabin est tombé malade. Les médecins ont alors diagnostiqué une leucémie, entraînant un traitement sur plusieurs années. Toute la famille s'est mise en ordre de marche pour remporter ce combat. Céline a raconté cette expérience à Olivier Delacroix, lundi sur Europe 1.
"On a appris que Gabin était atteint d'une leucémie, un cancer de la moelle osseuse, quand il avait trois ans. Il y a eu beaucoup de symptômes différents. Ce qui nous a mis la puce à l'oreille, c'est la température qui ne baissait pas, et de nombreuses infections (pulmonaire, otite…)
À l'annonce de la maladie, plus rien ne nous passe par la tête. Plus rien. Mon conjoint a pensé qu'on avait un deuxième enfant, et a demandé si c'était héréditaire. Après, on se laisse bercer. On nous dit plein de choses qu'on ne comprend pas forcément. On nous parle de chimio, de protocoles, d'expérimentations… Et on suit le mouvement. On nous dit que c'est le cancer pédiatrique le plus répandu, le plus connu, et celui qui se soigne le mieux. Donc on se dit que dans notre malheur, on a de la chance, puisqu'on a le moins pire.
On nous a expliqué que grosso modo, le traitement allait durer deux ans et demi, et que Gabin serait déclaré guéri au bout de cinq ans. On nous a expliqué au fur et à mesure, pour ne pas nous abrutir avec une tonne d'informations qu'on ne comprenait pas forcément. On nous a préservés, et on nous a donné un plan de bataille, donc c'était déjà rassurant. Alors on s'est dit : 'On n'a pas le choix, il faut y aller'.
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Gabin a été hospitalisé très vite. Il a très bien vécu cela. On a essayé de le préserver en tournant tout en dérision. On lui disait que c'était vraiment cool, qu'il avait papa et maman pour lui, que son petit frère ne lui piquerait pas ses jeux. On lui montrait un côté positif que l'on essayait de trouver tant bien que mal. Il se plait beaucoup à l'hôpital, et en général, il fait la tête quand il faut repartir.
Gabin a quasiment vécu toute 'sa vie de conscience' avec la maladie, donc pour lui ça ne pose pas de problème. Il est conscient de ce qu'il peut faire, et de ce qu'il ne peut pas faire, comme manger le gâteau d'anniversaire à l'école qu'une maman a préparé, jouer dans le bac à sable, aller à la piscine ou à la plage… Il s'en contente. Il est très malin et il comprend tout.
Pour nous, ce qui a été le plus difficile, c'était de le préserver d'une maladie qui pouvait être fatale. Même si aujourd'hui il va bien, demain, tout peut basculer. On n'est jamais à l'abri de rien.
Je me suis arrêtée de travailler pour m'occuper de lui. Le rythme de vie est compliqué, car tout s'organise autour de Gabin. D'une prise de sang à l'autre, il peut être hospitalisé, ou ne pas aller à l'école… On ne sait jamais de quoi demain est fait. J'ai quand même repris un emploi parce que psychologiquement, rester dans ce quotidien de parent d'enfant malade, c'était très compliqué. J'ai repris un emploi de vente à domicile pour pouvoir me consacrer à Gabin principalement, et à son frère. Parler à des gens d'autre chose que la maladie, ça fait du bien. Parce que sinon, on ne parle qu'à des parents d'enfants malades.
Quand arrive ce genre de choses, il y a des personnes qui sont vraiment importantes, qui viennent à la maison, nous soutiennent, à qui on peut parler, qui acceptent la discussion sur la maladie, car n'est pas donné à tout le monde. Il y a des personnes qui nous aident, ne serait-ce qu'en nous préparant des petits plats pour emmener à l'hôpital, pour garder notre petit, pour nous accompagner en hospitalisation parce que parfois, on va moins bien… On a vraiment beaucoup de chance.
À l'inverse, certaines personnes se sont éloignées. Du jour au lendemain, on n'a plus eu de nouvelles. La maladie fait peur, surtout quand il s'agit des enfants. Les gens n'ont pas forcément envie d'y être confrontés. À croire que c'est contagieux, alors que pas du tout.
On a bien fait la différence entre les gens qui n'osaient pas, par peur de ce qu'on allait leur dire. On ne peut pas demander à quelqu'un comment ça va, si ça ne va pas. Il y a les gens qui ont peur d'être maladroits, et les gens qui ont disparu, pour X ou Y raisons qui leur sont propres. Et honnêtement, on n'a pas envie de se fatiguer avec ça.
Pour mon conjoint et moi, ça a parfois été compliqué. Pendant des mois et des mois, on n'est plus un couple, on est des colocataires. On ne vit pas ensemble, on ne dort pas ensemble la plupart du temps, puisqu'il y en a toujours un qui est à l'hôpital avec le grand, et un autre qui est à la maison avec le petit. On essaie de garder une fratrie unie, avec ce petit frère qui est vraiment très jeune. Quand Gabin est tombé malade, il n'avait que douze mois. Ils ne se sont donc pas vus pendant sept semaines, le temps de la première hospitalisation. Maintenant, ça va mieux, parce qu'on arrive à reprendre un semblant de vie normale.
Notre vie de couple aurait pu être plus impactée. Mais on a de l'aide, et on est très soudés tous les deux. Là aussi, on gagne.
Aujourd'hui, Gabin va bien. Il réagit très bien au traitement. Les médecins sont confiants.
L'avis de Murielle Derome,
Psychologue en service pédiatrique
"Cette idée qu'il faut toujours être dans le combat est une vision qu'ont très souvent les adultes. À la fois, cela peut aider certaines personnes, et en même temps, cette image peut être dangereuse. On ne peut pas toujours être dans le combat. Parfois, on se bat contre la maladie comme si on était en train de se noyer : on essaie de faire des mouvements pour s'en sortir. Mais parfois, c'est le lâcher-prise qui va permettre de réaliser qu'il y a un fond dans la piscine. Ça va permettre de repartir et de retrouver de l'élan.
À certains moments, il faut donc savoir lâcher prise. C'est aussi une histoire de confiance. Il faut pouvoir donner sa confiance aux soignants, parce qu'on ne peut pas être dans la maîtrise de ce qui va se passer. Par définition, la maladie nous plonge dans un monde où on ne peut plus contrôler les choses.
Les enfants sont souvent bien plus capables que nous, adultes, de vivre des situations qui nous seraient insupportables. Ils gardent une force de vie incroyable, même au cœur de la maladie. Notamment parce qu'ils vivent l'instant. Quand il y a des moments difficiles, ils l'expriment. Et quand c'est fini, ça va mieux. Ils passent du léger au grave, du grave au léger.
C'est intéressant de noter que dans un couple, on a souvent deux mécanismes de défense opposés pour tenir le coup. L'un va prendre les jours les uns après les autres, et l'autre, plus généralement la femme, va avoir besoin de se préparer au pire du pire. Dans le couple, il y a souvent un minimiseur d'angoisse et un maximiseur d'angoisse.
On fait aussi un tri dans les relations. Certains proches vont s'avérer toxiques, par leur malaise, leur peur de blesser, de mal faire. À l'inverse, on découvre des personnes très attentives, qui soutiennent, qui vont laisser la personne dire ce qu'elle vit, et ne pas être uniquement dans la maladie."