Ils se distinguent des autres. Pas de cernes sous les yeux et des vêtements propres : on est loin des réfugiés qui ont passé des mois dans le froid et la boue de la "Jungle". Depuis lundi et l'opération de démantèlement, le camp de Calais se vide progressivement avec 5.596 personnes évacuées en trois jours, à bord de bus, pour rejoindre les centres d'accueil et d'orientation (CAO), répartis dans 11 régions. Mais alors que règne une atmosphère de fin du monde dans ce qui fut le plus grand bidonville de France, de nouveaux migrants arrivent, animés par l'envie de passer en Angleterre.
Dans le camp, entre les flammes, le silence. Enveloppés dans d’épaisses couvertures, les migrants encore présents dans le camp - ils sont près de 400 - sortent de la "Jungle" d’où provient de sourdes détonations. "On va aller dormir dehors. En ce moment il y a le feu, c’est dangereux", témoigne l'un d'entre eux. Dans la nuit de mardi à mercredi, une trentaine de départs de feux ont été observés dans le camp sans qu'aucune victime grave ne soit à déplorer. A ce sujet, la préfète du Pas-de-Calais avait parlé de "tradition de la population migrante", déclenchant la colère des associations.
Les bénévoles éteignent les flammes alors qu'ici ou là, des bouteilles de gaz explosent. Tout autour d'eux, c'est le silence. Des tentes vides aux toiles déchirées et des chaussures abandonnées dans la boue. Plus loin, une famille d'Afghans jette de l'eau sur les parois de leur baraque, pour éviter que le feu ne l'embrase.
Calais : ambiance de fin du monde dans la "Jungle"par Europe1fr
"L'Angleterre ? Aujourd'hui, demain ou après-demain". C'est dans ce tumulte qu'arrivent de nouveaux migrants. Eux, n'ont pas vécu dans la "Jungle", comme Hashmat, arrivé à la gare de Calais avec cinq de ses amis afghans. Depuis quelques mois, il vivait en Allemagne mais ne s'est jamais départi de son but : rejoindre l'Angleterre. "Mon ami m’a dit : "viens on va en France, à Calais", explique-t-il.
Comme lui, d'autres migrants profitent du désordre du démantèlement pour tenter de traverser la Manche : "On a pris le train, le bus pour venir et cette nuit on va dormir ici près de la jungle", détaille Hashmat. "Aujourd’hui, demain ou après demain, on va tenter de passer en Angleterre", lance-t-il.
Calais : dans le désordre du démantèlement, de...par Europe1fr
Désillusion. D'autres comme Mohammad, Soudanais de 29 ans, sont désemparés par le démantèlement de la "Jungle" et l'extrême difficulté de franchir la mer. Perdu, lui qui rêvait de rejoindre l'Angleterre, a décidé de rentrer chez lui, où vit toute sa famille. Malgré le danger de mort qu'il encourt... "Les Anglais ne veulent pas des réfugiés. Je suis vraiment triste vous savez. Je ne sais pas ce que je suis censé faire", confie-t-il au correspondant d'Europe 1. Il avoue sa peur de rentrer chez lui, au Soudan, mais affirme ne pas avoir le choix : "Je mange une fois par jour… Je vais rentrer dans mon pays, dans ma famille. Si je meurs, ce n’est pas un problème, beaucoup d’autres migrants sont morts avant moi. Je vais rentrer, c’est mon destin".
De son côté, Hashmat persiste : "Si Dieu le veut, on passera en Angleterre". Mais après quelques heures passées devant les grillages de 4 mètres de haut qui entourent le port et la rocade portuaire, le jeune Afghan reconnait que passer en Angleterre sera beaucoup plus difficile que prévu.
Calais : Mohammad, réfugié Soudanais, veut...par Europe1fr