L'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira revient sur la vague de dénonciation d'agressions et de harcèlement sexuels, dans une interview à Libération.
Elle ne s'était pas exprimée publiquement sur les campagnes #MeToo et #BalanceTonPorc. Dans une interview accordée à Libération, lundi, Christiane Taubira livre son point de vue sur la campagne de dénonciation de comportements inappropriés voire répréhensibles des hommes, en cours depuis l'automne. "Je trouve sain que ce que tout le monde sait depuis longtemps explose dans l’espace public et interdise qu’on fasse semblant d’ignorer. Nous avions connaissance de l’ampleur du problème, la masse du mouvement nous empêche aujourd’hui de le nier. Ce qui est étonnant dans ce phénomène, c’est qu’il n’ait pas eu lieu avant", affirme l'ancienne ministre de la Justice.
Le harcèlement, "ce n'est pas du marivaudage". La garde des Sceaux de 2012 à 2016 évoque ensuite la position de certaines personnalités, pour qui le climat actuel empêche la "liberté d'importuner". Un point de vue 'hors sujet", selon Christiane Taubira : "Le harcèlement dénoncé par les femmes aujourd’hui n’est pas le jeu de l’amour et du hasard. Ce n’est pas du marivaudage, ce n’est pas l’histoire du comportement de quelques hommes dans un milieu feutré vis-à-vis de femmes qui sont armées psychologiquement, intellectuellement, mentalement et même juridiquement pour se protéger. Le sujet, c’est une violence qui frappe des millions de femmes qui sont démunies psychologiquement, financièrement, judiciairement", explique-t-elle.
"Sain" que certains hommes aient honte. Au fur et à mesure des semaines, la question de l'attitude des hommes face aux révélations s'est posée avec de plus en plus d'acuité. "L’effet de masse de toutes ces révélations a provoqué chez certains hommes une sorte de sidération. Ils prennent conscience que ce n’était pas juste le cas du collègue de bureau qui se comportait parfois grossièrement, mais qu’ils ont été les témoins passifs d’agressions et qu’ils auraient dû agir. Cet effet de masse a interloqué des hommes et certains ont ressenti de la honte. Je trouve cela très sain", dit-elle. Et Christiane Taubira de s'interroger sur les conséquences de ce mouvement les élites : "Il est temps maintenant que les hommes fassent l’expérience de la minorité, et le premier endroit où ils peuvent et doivent le faire, c’est dans l’exercice du pouvoir."