À l’occasion du vendredi consacré cette semaine aux sciences de l’éducation et à la fin de "L’enfant Roi", Europe 1 s’est penchée sur le rôle fondamental joué par l’éducation parentale dans le développement psychologique et dans la santé de l’enfant. Avant l’école ou les amis, les parents sont les premiers interlocuteurs du bébé à sa naissance, d’où le rôle fondamental joué par leur éducation dans le développement de l’enfant et sur sa santé mentale.
"Dès la naissance, le cerveau est équipé pour développer un certain nombre de fonctions comme le langage, la mémoire, le raisonnement. Et ce cerveau va arriver à maturation grâce aux stimulations permises par l’éducation parentale", détaille auprès d'Europe 1, Sylvie Chokron, neuropsychologue et directrice de recherches 1ère classe au CNRS.
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Stimuler l’enfant, mais aussi lui apprendre à utiliser et à contrôler au mieux ses capacités : "Faire, ne pas faire, dire, ne pas dire, toute cette distance se fait en premier lieu par les parents. Si vous n'éduquez pas un enfant, il ne peut pas bénéficier au maximum de ses capacités intellectuelles parce qu'il n'arrive pas à les contrôler et donc à réguler ses émotions, accepter le manque, la frustration, la contrainte", complète la neuropsychologue.
L’enfant de son côté voit ses géniteurs comme de véritables exemples à suivre, puisqu’il apprend aussi par imitation. Sylvie Chokron prend l’exemple des écrans et considère qu’il faut davantage s’inquiéter de l’exposition des parents que celle des enfants : "Quand ces derniers naissent, ils peuvent voir des parents obnubilés par les écrans. Dès qu'ils vont avoir la capacité de les utiliser, ils auront le sentiment que c'est l'objet le plus intéressant au monde et qu’il passe avant tout, y compris eux".
Les risques pathologiques d’une éducation extrême
Dans des situations d’éducation trop rigides, de violences physiques et psychologiques, les effets néfastes se feront naturellement ressentir sur la santé mentale, sociale et somatique de l’enfant. Interdiction de toucher, de bouger, de faire des expériences… "L'enfant aura du mal à apprendre dans tous les domaines, et va développer une forme d'inhibition excessive qui va l'empêcher de développer toutes ses capacités », explique la neuropsychologue. Martine Balençon, pédiatre et membre de la Société française de Pédiatrie, ajoute que ce type de violences est à l’origine d’une incompréhension chez l’enfant et peut générer des troubles graves de l’attachement.
"Les violences répétées sont à l’origine d’un stress chronique, d’une dysrégulation hormonale et d’une 'situation inflammatoire chronique' qui peut grever le développement psychoaffectif et développemental des enfants", assure-t-elle auprès d'Europe 1. Sur le long terme, ces violences peuvent diminuer l'espérance de vie et le nombre d’années de vie en bonne santé, selon la pédiatre, "encore plus que la pollution et tout le reste » et de nombreuses pathologies sont surreprésentées à l'âge adulte : idées suicidaires, toxicomanie, difficultés sexuelles et psychosociales (notamment l'incapacité à être en groupe). "On sait désormais qu'avoir été victime de maltraitance expose à un risque accru de développer des maladies cardio-vasculaire, du diabète, le cancer", conclut la pédiatre.
À l’opposé des situations par commission (humiliations, violences physiques), la négligence, qui se traduit par l’absence de cadre ou de réponse aux besoins de l’enfant – absence d’horaire pour le couché ou le repas par exemple - peut être tout aussi dangereux pour sa santé et avoir sensiblement les mêmes effets qu’une éducation trop rigide. "Les règles, c'est extrêmement structurant, parce qu'on dit que le cerveau apprend sous la contrainte. Il faut donc poser des problèmes au cerveau pour le stimuler. S’il n’y a pas de règle, on n’apprend pas le contrôle, alors qu’il est le soubassement des capacités intellectuelles", explique Sylvie Chokron.
L’importance d’un juste-milieu
Martine Balençon souligne que les effets d’une éducation parentale trop rigide ou à l’inverse trop laxiste peuvent perdurer tout au long de la vie de l’enfant et du futur adulte : "Les violences éducatives ordinaires font le lit des grosses violences". D’où l’importance selon les deux spécialistes de trouver un juste équilibre dans l’éducation donnée. "Elle doit se faire sans violence physique et sans humiliation, mais elle ne doit pas se faire sans règle", ajoute la pédiatre.
"Le principal c'est d'être mesuré dans ce qu'on fait et surtout de savoir pourquoi on le fait. Parce qu'il n'y a pas pire qu'une éducation qui n'est pas justifiée par des principes dans lesquels on croit", complète de son côté Sylvie Chokron. Selon elle, les parents doivent être guidés "pour comprendre le fondement neuroscientifique de leur éducation" tout en se faisant confiance et en suivant leurs intuitions "qui correspondent à des choses importantes pour eux". Ce juste-milieu donnera un enfant "acteur de son développement, capable de prendre des décisions, d’être créatif, d’exprimer ses idées, d’être à l’écoute des autres et d’avoir de bonnes compétences psychosociales". Des bénéfices perceptibles "tout au long de la vie", conclut Martine Balençon.