196 pays représentés, environ 4.000 négociateurs et des discussions qui ne seront closes que le 18 mai prochain. La session annuelle des négociations climatiques qui s'est ouverte ce lundi à Bonn est caractérisée par son ampleur inédite. Le but de la conférence de Bonn sur le climat est clair : constituer un manuel résumant les mesures qui permettront la mise en oeuvre des accords de la COP21. A l'agenda de cette réunion se trouvent également des problèmes urgents, tels que la montée des eaux marines. Cette année, les îles Fidji sont en charge de l'organisation de cette conférence, et cela n'est pas anodin. En effet, à l'image du reste des pays côtiers, les îles Fidji forment un archipel extrêmement menacé par la fonte des calottes glacières ainsi que par la dilatation des eaux.
Ces deux phénomènes, issus du dérèglement climatique, pourraient mener à une submersion totale de certaines régions insulaires. Le mois dernier, la revue américaine Geophysical Research Letters replaçait la question de la submersion au cœur du débat en publiant une étude franco-suisse soulignant l'accélération de la montée des océans entre 2004 et 2015. Selon l'ONG Climate Central, environ 200 millions de personnes vivraient actuellement dans des régions exposées à une montée des océans dévastatrices.
Certains territoires sont déjà sous l'eau... L'année dernière, une étude publiée par la revue américaine Nature prévoyait que la montée des eaux atteindrait jusqu'à deux mètres d'élévation d'ici la fin du siècle. Selon les deux auteurs de l'étude, professeurs à l'Université du Massachussetts et de Pennsylvanie, le niveau moyen des océans aura augmenté d'environ une quinzaine de mètres d'ici 2500.
Sans attendre cette date, l'Etat des Tuvalu et les îles Kiribati, situés en Océanie, ont déjà souffert des effets du réchauffement climatique. En 2008, Courrier International révélait la submersion de deux îlots de l'archipel Kiribati. Cet épisode, qui a signé le début de l'engloutissement concret des îles Kiribati, explique en partie la posture pessimiste et résolue du président Anote Tong. Lors d'une interview donnée en anglais en juin dernier à la chaîne américaine CNN, ce dernier déclarait que "quoi que les Etats-Unis ou la Chine décident maintenant, il est trop tard". Il qualifiait ensuite la disparition de Kiribati, de Tuvalu, des îles Marshall et des Maldives "d'inévitable" à moyen terme.
" C'est aux pays industrialisés, à l'origine du réchauffement, d'assumer leurs responsabilités "
Un défaitisme d'autant plus prononcé que la montée des océans a d'ores et déjà engendré des problèmes économiques. En effet, la production agricole des archipels pâtit de la montée des eaux, puisque les champs dépérissent sous l'effet du sel marin qui infiltre le sol. Cette observation, vraie au Kiribati, l'est également au Bangladesh, pays bordé par l'Océan Indien où l'eau salée a déjà commencé à pénétrer les champs selon Le Point.
... D'autres, bien plus peuplés, devraient suivre. Parmi les régions menacées par la montée des eaux, certaines sont très densément peuplées. C'est notamment le cas des Pays-Bas, où la moitié des habitants vit dans des zones inondables selon Le Monde. Si le niveau des océans continue d'augmenter, des millions d'habitants pourraient ainsi devenir des réfugiés climatiques d'ici la fin du siècle.
Face à cette menace, les gouvernements tentent tant bien que mal de prendre les devants. Aux Pays-Bas, le gouvernement a annoncé en 2014 un plan de 20 milliards d'euros sur trente ans afin de renforcer les infrastructures côtières du pays. Au Kiribati, Anote Tong a déjà commencé à penser un refuge potentiel qui pourrait accueillir les 110 000 habitants de l'archipel en cas de submersion complète. Selon Challenges, il a ainsi fait acquérir à son pays 20 km2 de terre refuge au Fidji en 2014.
Une conférence menacée par un président américain climatosceptique. Les archipels et pays côtiers, généralement peu développés sur le plan économique, attendent aujourd'hui une réaction forte des grandes puissances. En 2014, au cours de la conférence de Bonn, Ronald Jumeau, porte-parole des Etats insulaires, avertissait : "C'est aux pays industrialisés, à l'origine du réchauffement, d'assumer leurs responsabilités". Mais aujourd'hui, cette revendication pourrait n'avoir que peu d'écho à Washington : si l'accord de Paris avait été une réussite de l'administration Obama, la position du nouveau président sur les questions environnementales tranche avec celle de son prédécesseur.
Le manque de coopération de la part des Etats-Unis pourrait bloquer la conférence de Bonn. Début mai, le Premier ministre fidjien Voreqe Bainimarama, président de la prochaine conférence sur le climat COP23, a affirmé que la communauté internationale avait besoin des Etats-Unis, qui constituaient leur "meilleur joueur". Au détour d'un appel, il exhortait Donald Trump, menaçant de quitter l'accord de Paris, à "rester en jeu". Tout au long de sa campagne, ce dernier a pourtant promis d'annuler cet accord une fois élu.
Mardi soir, les principaux conseillers économiques du président américain devaient se réunir afin de discuter de la participation cruciale de Washington à l'accord de la COP21. Cependant, selon l'AFP, un responsable de la Maison-Blanche a indiqué que la réunion, très attendue par la conférence de Bonn, était finalement reportée. De quoi inquiéter les pays insulaires ainsi que les acteurs luttant contre le réchauffement climatique.