Fin avril, Bruno Le Maire proposait de contrôler les comptes bancaires des bénéficiaires du RSA. En Alsace, on n'a pas attendu la proposition du candidat à la primaire de la droite et du centre pour mettre la mesure en application. Depuis janvier, les bénéficiaires du RSA, qui habitent dans le Haut-Rhin, doivent en effet fournir leurs relevés bancaires. Un procédé qui passe mal et scandalise les associations.
Que demande le Haut-Rhin aux allocataires du RSA ? D’après France Inter qui a révélé lundi l’information, le conseil départemental demande à ceux qui perçoivent le RSA de leur envoyer la copie intégrale des six derniers relevés bancaires d’octobre 2015 à mars 2016 de l’ensemble des comptes et des livrets d’épargne. Les bénéficiaires doivent aussi communiquer la copie de leur dernier avis d’imposition 2015 et la copie de tous les contrats d’assurance.
"Le but est de vérifier qu’il n’y a pas de revenus annexes non déclarés", explique à BFMTV, le président du conseil départemental Eric Straumann (LR). Selon ce dernier, son service aurait déjà récupéré plus de 820.000 euros de versements indus.
Y-a-t-il d’autres départements concernés ? Le Bas-Rhin a lui aussi mis en place ce système de contrôle. Dans un article du Monde, son président Les Républicains, Frédéric Bierry, assure "demander aux bénéficiaires du RSA de fournir des relevés de compte" tout en assurant qu'"ils ne sont pas obligés de le faire". Autre département où la mesure est appliquée : l’Eure. Interrogé par 20Minutes, le président LR Sébastien Lecornu estime qu’il doit "utiliser tous les moyens qui sont les siens pour lutter contre la fraude, quitte à déplaire. C’est une question de justice".
Est-ce que c’est légal ? C’est toute la question et c’est là, qu’il y a un loup. Le président du département du Haut-Rhin assure que sa mesure est légale. Il cite pour cela l’article L262-2 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que le RSA est soumis à une "déclaration sur l’honneur des revenus des demandeurs". Mais, rien n’est dit sur le contrôle des relevés bancaires des bénéficiaires.
Face à cette situation, le défenseur des droits s’est saisi de la question en ouvrant une enquête mardi. Contacté par Europe 1, l’institution ne veut pas se prononcer à ce stade sur la légalité de la mesure. Outre le Haut-Rhin, les services juridiques du défenseur des droits vont être alertés sur la situation dans l’Eure.
Comment réagissent les associations ? Forcément, les associations qui accompagnent les chômeurs et les précaires sont vent debout contre la mesure. "Il ne peut pas y avoir des RSA à géométrie variable", affirme à Europe 1 Florent Guéguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). "Il y a un espèce de micro-climat en Alsace où l’on stigmatise les allocataires du RSA. On les voit comme des fraudeurs et des fainéants". Si le directeur de la FNARS trouve "normal que l’on contrôle le train de vie des bénéficiaires du RSA", il dénonce la mesure du Haut-Rhin, coupable d'"intrusion dans la vie privée". "C’est de la démagogie politicienne, les élus locaux instrumentalisent la pauvreté à des fins politiques", dit-il encore, en rappelant q'"avec le RSA, on survit, on ne vit pas".
Même son de cloche du côté du Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP). "On n'est à fond dans : 'classe chômeuse, classe voleuse'", explique-t-on. Là aussi, on dénonce une intrusion "inadmissible" dans la vie privée.