Coronavirus : comment le trafic de drogue se réorganise

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Justin Morin, édité par Ariel Guez

Alors que la France est confinée depuis près de deux semaines, il n'y a pas que l'économie "légale" qui est paralysée : celle du trafic de drogue, aussi. Entre vente par courrier et stocks faits à l'avance, dealers et clients tentent de s'organiser, alors que les patrouilles de police sont plus fréquentes et que le ravitaillement n'est plus là, en raison de la fermeture des frontières. 

S'approvisionner en cannabis ne fait pas partie des cases à cocher sur l'attestation dérogatoire de déplacement. Alors pour clients et dealers, en ces temps de confinement dû à la propagation de l'épidémie de coronavirus, c'est tout un système à adapter. 

"Les clients ont fait quelques stocks"

Dès les premières mesures de confinement, les vendeurs ont prévenu leurs clients, en annonçant la couleur : "Achetez en grosse quantité". Car depuis mardi 17 mars, les livraisons à domicile, très répandues dans les grandes villes, sont beaucoup plus difficiles. Et une chose est sûre : la consigne a été suivie. "Un des phénomènes qu'on a constaté, c'est que les clients ont fait quelques stocks pour être sûrs d'avoir quelques provisions à domicile", explique au micro d'Europe 1 Virginie Lahaye​, commissaire et patronne de la Brigade des stupéfiants de la police judiciaire de Paris.

Toutes les drogues vont être impactés par cette situation exceptionnelle. "Pas forcément de la même manière", précise néanmoins la commissaire. Par exemple, pour celles de synthèse, principalement utilisées dans les lieux festifs (soirées, bar, etc...), les ventes sont en chute libre. Pour certains consommateurs occasionnels, sans possibilité de faire la fête, ça ne sert à rien. 

"C'est un risque pour tout le monde"

Autre conséquence du confinement sur le marché de la drogue : l'augmentation des prix. Julie et Martin, couple en région parisienne, l'a bien remarqué en contactant leur dealer pour acheter de l'herbe. "Il nous a répondu qu'avec cette situation, il était compliqué pour lui de se déplacer et que c'était à nous de nous déplacer. Il nous a indiqué des points de retrait près de chez nous, avec un minimum de commande de 200 €", explique Martin, précisant que le minimum avant confinement était de 100€. "Est-ce que le jeu de prendre autant de risques en vaut autant la chandelle ? C'est vrai qu'il y a des petites remises en question", poursuit-il.

Car au confinement et au virus s'ajoute une augmentation du nombre de contrôles de police dans les rues "donc c'est un risque pour tout le monde", vendeur et acheteur, affirme Viriginie Lahaye. "Pour l'instant les stocks s'écoulent", précise-t-elle. Elle rappelle également que le confinement n'est qu'à son début "donc on a encore des stocks qui existent sur le secteur. Mais ce qui est à craindre pour les gens qui ont besoin de drogue, c'est qu'ils s'amenuisent rapidement".

Plutôt que les livraisons à domicile, certains privilégient l'achat direct dans un "four". Ce sont les gros points de deal dans les cités. Forcément, là aussi, le marché s'adapte. "On a pris 50 euros, c'était l'équivalent de trente euros en temps normal. Généralement, on ne se fait pas arnaquer et on a même des petits cadeaux de fidélité (tickets à gratter, goodies)", raconte Julie. Seul un trafic ne connaît pas la crise : les livraisons par courrier à l'intérieur du pays, qui sont difficiles à intercepter. 

Un approvisionnement compliqué

Le marché commence à se tarir, en raison des difficultés de ravitaillement. Le Maroc, par exemple, gros fournisseur, a fermé ses frontières. L'Espagne, par où transite la marchandise, est aussi confinée. Résultat : les saisies douanières sont en chute libre. "On a un petit peu moins de produits qui arrivent sur le territoire avec une fermeture des aéroports (...) et des frontières", conclut Virginie Lahaye.