Coûts, régions, rites...Selon une étude, nous ne sommes pas tous égaux face à la mort

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Maxime Gondelaud // Crédit photo : PAU BARRENA / AFP , modifié à

D’après une étude de Simplifia en collaboration avec Silver Alliance, l’organisation des obsèques en France coute de plus en plus cher. Mais il existe une disparité très forte au sein des régions. Ce qui n’empêche pas les Français de se tourner davantage vers la crémation, pour des raisons géographiques, économiques, mais aussi sociétales.

La mort fait partie de la condition humaine, personne ne peut y échapper. Mais malgré son caractère universel, elle reste encore tabou dans notre société. Alors pourquoi ne pas s’y préparer ? C'est le sens de l'étude Simplifia  en collaboration avec Silver Alliance sur le coût de la mort en 2023, dont Europe 1 vous livre la primeur en exclusivité. Il faut "démystifier l'organisation des obsèques et accompagner les particuliers dans le fait de prendre les devants et d'anticiper ce sujet", explique au micro d'Europe 1 Maxime Nory, le dirigeant de Simplifia.

L’intensité concurrentielle joue sur le prix des obsèques

Organiser des obsèques pour un proche reviendrait à 4.730 euros en moyenne. Dans le détail, une inhumation coûte approximativement 5.044 euros en 2023. Il faudra compter un peu moins pour une crémation (4.343 euros). Dans 50% des cas observés par l'étude, ce sont les enfants ou les beaux-enfants qui doivent s’occuper du décès du défunt. Un poids administratif et émotionnel. Dans ce moment, beaucoup de questions peuvent se poser sur l’organisation et les coûts qui vont avec. 

Mais tout le monde n’est pas sur le même pied d’égalité. Par exemple, la Normandie ressort comme la région la plus chère pour planifier des obsèques. En moyenne sur l’année 2023, les familles paient 5.350 euros. Alors que si ces mêmes obsèques se tiennent en Occitanie, seuls 4.361 euros suffiront pour dire au revoir à votre proche. Un écart de presque 1.000 euros. Comment l’expliquer ? 

Dans les régions où il y a le plus d’entreprises de pompes funèbres, les prix peuvent être plus élevés pour certaines prestations, explique Maxime Nory. Mais pour ce dirigeant, le marché se régule de manière autonome et imposer un encadrement des prix par l’État n’est pas la solution. La réponse, sur l’écart des prix entre les régions, peut résider dans le choix de la dernière demeure du défunt. Ce problème ne se pose pas lors d’une crémation car une fois le corps réduit en cendres, l’urne funéraire est transportable. Mais pour une inhumation les choses sont différentes. 

Après recherches, les concessions en terre n’ont pas le même prix en fonction des régions. Par exemple, pour un caveau enterré de deux places en Normandie, il faudra payer environ 500 euros pour 30 ans. En Nouvelle Aquitaine, pour la même configuration, certains paieront parfois trois fois moins pour la même durée. Une différence de prix qui peut jouer au moment de régler l’addition. 

Ce marché n’échappe pas à l’augmentation générale des prix

Le secteur des pompes funèbres n’est pas décorrélé de notre société. Certains acteurs régionaux se voient contraints d’augmenter leur prix pour survivre. Le prix du bois est un bon exemple. Avec la pandémie de Covid-19 que la France a connue, les scieries ont ralenti, voire arrêté, leur production pendant les confinements. Le calendrier de livraison a donc été décalé. 

Autre argument qui explique l’augmentation du prix du bois : la conjoncture internationale. La Chine et les États-Unis sont très demandeurs du bois européen. Les exportations sont importantes vers ces pays-là. Le prix du transport vers ces pays a aussi augmenté. Les conflits internationaux comme l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a également participé. 

Mais il n’y a pas que le bois. Le gaz et l’électricité ont aussi connu des envolées. Pour beaucoup, les sociétés de pompes funèbres ont absorbé la hausse des prix pour ne pas les répercuter sur les Français. Sauf qu’à la sortie du Covid-19, ces hausses étaient fréquentes. Inéluctablement, les prix ont dû augmenter pour que les entreprises conservent une marge. 

Les matières premières, c’est une chose, mais la masse salariale des entreprises est aussi impactée. Selon l’Insee, l’inflation française était encore forte en 2023 (+4,9%). Les salaires ont donc suivi le rythme. Le loyer des infrastructures s'est accru. Les actifs mobiliers, comme les corbillards, connaissent le même sort. 

La crémation de plus en plus répandue en France

L’étude nous apprend aussi un élément important : la part de crémation face à l’inhumation aujourd’hui en France. Sur plus de 50.000 dossiers analysés, 43.5% d’entre eux sont des crémations. A l’inverse, 56.5% sont des inhumations. Les Français sont donc encore attachés à un enterrement traditionnel. Mais ces proportions changent avec notamment une différence nette entre les villes et les campagnes. 

Dans le détail, les Français habitant dans des zones urbaines sont plus enclins à la crémation. Dans 60% des cas, les familles du défunt se tournent vers ce rite funéraire. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Le prix pour commencer. Comme le révèle l’étude, les crémations sont en général moins onéreuses que les inhumations. Il y a aussi la place en ville qui joue. Si historiquement les cimetières étaient construits hors les enceintes des villes, aujourd’hui, ils se retrouvent en leur sein. Le cimetière du Père Lachaise en est l’exemple type. 

Les cimetières proches des villes sont souvent pleins et ne peuvent plus accueillir de nouvelles tombes. Des cimetières rétropédalent même sur les concessions à perpétuité. Des cimetières imposent des règles et si une tombe est jugée abandonnée, ils libèrent l’emplacement. 

L’éloignement des familles est à prendre en compte. De plus en plus de Français viennent travailler dans les grandes villes en laissant leur famille en région, dans des zones de moindre densité de population. Les parents ne souhaitent pas imposer un lieu de sépulture à leurs descendants qui vivent loin. La crémation paraît comme la solution. 

"Une athéisation de la mort"

Si officiellement le mariage civil fait son apparition en France à la Révolution en 1792, dans la pratique peu de mariages non religieux étaient pratiqués à cette époque. Aujourd’hui, la société a évolué et il n’est plus rare d’y assister. Les obsèques suivent la même destinée selon Philippe Charlier, médecin légiste et anthropologue français. 

"La crémation devient, de plus en plus, un rituel qui n'est pas religieux tout simplement. Avec une empreinte du catholicisme romain qui tend à disparaître, [...] le moment des funérailles est plus un moment d'évocation de la mémoire du défunt". Le retour à la crémation apparaît comme une "athéisation" de la mort selon l’anthropologue français. La mort n’est plus le domaine exclusif de la religion. 

L’essor des séries et des films n’est pas étranger à ce changement. Les Experts, NCIS ou encore Bones nous invitent à tutoyer la mort, la décomposition du corps. Ce processus après la mort ne nous est plus inconnu. Pour beaucoup, ce n’est pas envisageable. La mort par le feu apparaît comme plus "pure" et "propre", selon Philippe Charlier. Toujours selon ce médecin légiste, la symbolique de disperser les cendres trouve une tout autre logique pour les nouvelles générations. 

"Dans ce cas-là, la famille s'affranchit de ce devoir mémoriel d'aller fleurir la tombe, d'aller entretenir la sépulture, etc. [...] Sur le plan anthropologique, c'est un peu un rituel qui synthétise, qui est moins religieux". Si la France et d’autres pays connaissent des changements dans leurs rites funéraires, ce n’est pas une surprise. "Il y a des courants [dans l'Histoire], il y a des moments et en ce moment on est dans un moment où la prépondérance tend. En tout cas, là, la proportion de crémation tend à devenir de plus en plus importante" rappelle Philippe Charlier.