L'école, "c'est un lieu de transmission, quel qu'en soit le sens" : tel est le constat de l'infectiologue Gilles Pialoux, samedi sur Europe 1, à propos de la situation sanitaire dans les établissements scolaires. Signataire d'une tribune publiée mardi dans Le Monde, celui-ci justifie le temps pris par le gouvernement pour fermer de nouveau les écoles par "une période politique où le déni concernant l'école est assez massif". Chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de Tenon, à Paris, le spécialiste pointe par ailleurs des protocoles sanitaires "déconnectés" de la réalité du terrain. Il estime aussi que le dépistage sera la clé au moment de la réouverture des écoles, collèges et lycées.
"Un talon d'Achille"
Si au début de la pandémie, une large part des scientifiques s'accordaient à dire que les enfants jouaient un modeste rôle dans la circulation du coronavirus, Gilles Pialoux rappelle que les choses ont rapidement progressé. "On est dans une nouvelle épidémie, ou une épidémie dans l'épidémie", dit-il, évoquant notamment l'apparition de variants.
"Les Anglais viennent de sortir une étude sur 12 millions d'adultes en Angleterre", poursuit-il. "Pendant la première vague en Angleterre, il n'y avait pas de corrélation entre le fait d'avoir un enfant scolarisé et le fait que les parents aient davantage le Covid ; par contre, lors de la deuxième vague, qui inclut d'ailleurs probablement une partie de variant anglais, il y a eu une augmentation du risque pour toutes les tranches d'âge 0-11 ans et 12-18 ans", explique l'infectiologue. "Il y a donc probablement eu une errance scientifique au début, puis une deuxième phase qui est celle du déni politique."
Quoi qu'il en soit, poursuit-il, les établissements scolaires sont "un talon d'Achille" dans notre réponse à l'épidémie. "Après, la discussion n'est pas de savoir qui contamine qui et de chercher à faire une sorte de 'Cluedo familial'. Si l'enfant est contaminé dans le milieu familial et qu'il va en milieu scolaire, par définition, il participe à la circulation du virus."
Une réouverture qui passera un dépistage accru
À la "doctrine de non-fermeture des écoles", brandie jusqu'ici par l'exécutif, s'ajoute des décisions qui, selon le professeur Gilles Pialoux, se sont inscrites en dissociation totale avec les données scientifiques. Maintien des cantines, des classes, reprise de l'éducation physique en lieux clos… "Les protocoles sanitaires sont souvent déconnectés de la faisabilité et du terrain", déplore l'infectiologue, évoquant notamment le casse-tête de la ventilation des classes dont ont témoigné de nombreux professeurs.
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À compter de samedi, les établissements scolaires ferment leurs portes, et ce, pour trois semaines, avec pour objectif de contribuer à faire plier la courbe des contaminations. Mais qu'en sera-t-il lors de leur réouverture ? "Ca passera par le dépistage", assure Gilles Pialoux, qui estime que la France a raté sa stratégie de "tracer, isoler", à la différence de l'Espagne et l'Allemagne.
En France, "le ministre (de la Santé, Olivier Véran, NDLR) avait annoncé 300.000 tests par semaine, or on a probablement testé autour de 0,4% des enfants du primaire et on sait peu de choses du lycée et du collège puisque là il s'agit de tests PCR", développe l'infectiologue. "On a un déficit de marqueurs pour ouvrir et fermer. Or, la décision de rouvrir doit reposer sur des arguments scientifiques et épidémiologiques."