"Je suis choquée d’entendre le président de la Cooperl, éleveur lui-même, déclarer que 1,40 euro le kilo de porc, c’est trop cher", a déclaré Catherine Laillé, au micro d’Europe 1, jeudi, reconnaissant toutefois que "ce prix ne couvre pas l’ensemble des charges". Depuis lundi, deux des principaux acheteurs, Cooperl et Bigard, refusent de payer le prix convenu lors de tables rondes avec le gouvernement en juin dernier et fixé à 1,40 euro.
Un prix du porc à 1,60 euro pour "un revenu décent". "Aujourd’hui, il nous faut un marché au cadran (marché où est fixé deux fois par semaine – le lundi après-midi et le jeudi matin - le prix du porc au kilo, à Plérin, dans les Côtes d’Armor ; ndlr) à 1,60 euro pour assurer un revenu décent au producteur et couvrir l’ensemble des charges", affirme la présidente de l’Organisation nationale des éleveurs de porcs, assurant que cette différence de prix ne reviendrait qu’à un budget supplémentaire de "6 euros, à l’année, par consommateur".
Un problème de "surproduction européenne, pas de prix". Mais pour cette agricultrice installée en "Label Rouge", depuis 35 ans en Loire-Atlantique, "la principale cause de la crise, qu’on n’entend pas aujourd’hui, c’est la surproduction européenne". Car l’Union européenne "produit 10% de porcs en plus de ce dont elle a besoin", indique-t-elle.
La France, anciennement premier pays producteur, est aujourd’hui doublée par l’Espagne et l’Allemagne, qui produit le double de l’Hexagone. Mais le pari de l’Allemagne sur une forte exportation a été fragilisé, notamment avec "l’embargo russe". Les porcs en provenance d’Allemagne reviennent donc sur le marché intérieur européen et "inondent le marché français", explique Catherine Laillé qui précise que les éleveurs allemands vendent à perte et sont "aussi en grande difficulté financière".
En 1992, un prix du porc à 2 euros. D’après elle, il faudrait que le prix du porc au kilo soit fixé à 1,60 euro. "On en a marre de travailler pour rien ou pour perdre de l’argent", tonne cette exploitante qui avance : "cela fait trois mois que je ne prends plus de salaire". "A l’été 1992, je vendais le porc à 2 euros le kilo. Et personne ne trouvait que c’était cher". Aujourd’hui, elle vend ses porcs "au même prix qu’il y a 30 ans, mais [ses] charges ont explosé".
Une augmentation des prix agricoles ? "Dans les années 1950, la moitié des salaires passaient dans l’alimentation contre 15% seulement aujourd’hui", avance-t-elle. Et sur ces 15%, 8 reviennent à l’agriculteur, donc "si on augmentait tous les prix agricoles, ne serait-ce que de 10%, […] au final cela fait une augmentation de 0,8% pour le consommateur". Et d’insister de nouveau : "Ce n’est pas un problème de prix, mais de surproduction".
"Les solutions sont européennes". Cette exploitante, pour qui les mesures doivent être prises à l’échelle européenne, pointe le rôle du ministre de l'Agriculture : "On comprend que Stéphane Le Foll ne puisse pas fixer le prix mais il doit légiférer avec ses collègues européens". Par exemple, en régulant la production "pour équilibrer l’offre et la demande", soutient-elle.
"En France on ne produit pas trop de porcs, mais il faut raisonner à l’échelle européenne", souligne Catherine Laillé avant de répéter : "Les solutions sont européennes". D’autre part, "les ministres doivent légiférer sur les étiquetages de l’origine des viandes". De cette façon, les industriels "seront plus amenés à utiliser de la viande française pour faire des produits transformés", juge-t-elle, car celle-ci "est de qualité".