Le tribunal administratif de Paris doit décider mercredi si le géant américain Google doit subir un redressement fiscal de 1,115 milliard d'euros, ou s'il réussit à y échapper grâce à un flou juridique entourant son implantation en France.
Pas d'"établissement stable" en France ? Sommé par le fisc de payer 1,6 milliard d'euros - un montant réduit depuis -, Google a contre-attaqué devant la justice administrative. Le groupe californien estime qu'il n'a pas à déclarer ses bénéfices en France puisqu'il vend de la publicité sur le marché français via sa filiale irlandaise Google Ireland Limited (GIL). Le rapporteur public lui a donné raison devant le tribunal le 14 juin, estimant que "Google France n'a pas bénéficié de la présence d'un établissement stable en France, tant au regard de la retenue à la source, que de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA". Cette notion d'"établissement stable", qui doit être établie pour qu'une société soit taxable en France, est au cœur du contentieux : Google explique que les annonceurs signent les contrats avec sa filiale irlandaise, quand bien même ses clients peuvent être en rapport avec les salariés de Google France.
"Une activité occulte" de Google ? L'administration fiscale estime au contraire que les employés français jouent un rôle déterminant dans la vente d'espaces publicitaires sur le célèbre moteur de recherche ou le site de vidéos Youtube, même si les contrats sont formellement établis et signés par la filiale irlandaise GIL. Or, l'Irlande - base européenne de Google - se distingue par un taux d'imposition sur les sociétés particulièrement bas. Le représentant de l'administration fiscale Philippe Cahanin a même évoqué au tribunal "une activité occulte" de la multinationale. Mais le rapporteur s'en tient à une stricte lecture des textes, pointant "les carences de la base juridique actuelle".
Optimisation fiscale. Google, qui emploie actuellement 700 personnes en France, est dans le collimateur de Bercy depuis plusieurs années. Peu bavard quand il s'agit de ses comptes, le groupe avait indiqué l'an dernier avoir payé 6,7 millions d'euros en France au titre de l'impôt sur les sociétés en 2015, soit 30% de plus que l'année précédente. C'est-à-dire pas grand chose. Faisant l'objet de poursuite dans plusieurs pays, il est notamment parvenu à des accords avec les autorités fiscales au Royaume-Uni et en Italie leur reversant quelques centaines de millions d'euros. Google, mais aussi Apple, Facebook et Amazon - l'ensemble étant souvent présenté sous l'acronyme GAFA -, sont régulièrement critiqués pour leurs pratiques d'optimisation fiscale.
Une volonté du gouvernement. Dans son programme de campagne de la présidentielle, Emmanuel Macron avait promis d'"imposer les grands groupes Internet sur leur chiffre d'affaires réalisé en France" et "la création d'un marché unique du numérique en Europe". Le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, avait pour sa part appelé à la mi-mai les grandes plateformes de l'internet à payer un impôt "juste et équilibré" en Europe, qui les mette au même niveau que les acteurs nationaux. Et pas plus tard que dimanche, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a pressé l'Europe de "faire payer" aux géants américains du net leurs impôts sur le continent. "Il temps que l'Europe se ressaisisse, qu'elle défende ses intérêts, qu'elle fasse payer à Google, Amazon et Facebook les impôts qu'elles doivent aux contribuables européens", a-t-il déclaré aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence.