Bernard Cazeneuve recevait mardi plusieurs associations humanitaires pour préparer le démantèlement de la "jungle" de Calais. Le ministre de l'Intérieur a tenté de désamorcer leurs critiques, et leurs inquiétudes, mais le temps presse puisque le camp pourrait être détruit dans les jours à venir. Le gouvernement s'est engagé à proposer une solution d'hébergement aux 7.000 à 10.000 migrants qui y sont installés. Mais les lieux d'accueil ne sont pas si évidents à trouver.
Où vont être dirigés ces migrants ? Des dizaines de centres répartis sur l'ensemble de la France proposent quelque 7.000 places. Mais jusqu'au dernier moment, le gouvernement préfère garder ces lieux d'accueil secrets. "On a trop peur que les centres prennent des balles", nous a même rétorqué une préfecture, comme c'est arrivé jeudi dernier en Loire-Atlantique. Dans ce contexte, difficile de trouver des villes prêtes à accueillir l'un de ses centres. Alors cette mission délicate a été confiée aux préfets qui ont reçu du gouvernement un quota de places à trouver, propre à chaque région, exceptées l'Ile-de-France, déjà saturée, et la Corse, trop sous tension.
Comment trouve-t-on autant d'hébergements ? Le préfet du Nord a par exemple dû trouver 400 nouvelles places, celui des Hauts-de-France 800, 900 pour la PACA, 1.000 en Nouvelle-Aquitaine ou encore 1.300 en Auvergne-Rhône-Alpes. Pour cela, les équipes préfectorales ont recensé tous les hébergements possibles : un bâtiment public vacant à Bordeaux, un centre de vacances EDF en Charente-Maritime, un hôpital désaffecté dans le Var. À Bruniquel, dans le Tarn-et-Garonne, c'est une ancienne gendarmerie qui va se transformer en centre d'accueil. Les 500 habitants de ce petit village vont bientôt accueillir 24 réfugiés.
Le maire, Michel Montet, a vu débarquer le sous-préfet en plein Conseil municipal. "Ils nous ont expliqué que ce sont des gens qui viennent de Calais bien sûr et qu'ils pouvaient prendre en charge la nourriture. Ça n'a pas posé de problèmes majeurs. Après, il y a des gens qui sont contre ça, mais bon, je crois que c'est partout pareil." Dans ce village, l'arrivée des migrants s'est bien déroulée. Les habitants ont même aidé à remeubler les logements.
Une prise en charge par l'État et des associations. Souvent, les maires ont été rassurés par le caractère temporaire de ces centres, conçus pour six mois maximum, le temps de déposer une demande d'asile. D'autre part, chaque centre n'accueille qu'un petit nombre de réfugiés et tout est pris en charge par l'État et géré par des associations. Néanmoins, certains élus locaux n'ont pas vraiment eu d'autre choix. En Rhône-Alpes, un préfet a même dû forcer la main à un élu, en le menaçant d'une procédure de suspension.
Des arrivées imminentes. Certaines communes ont eu vent d'une arrivée lundi prochain mais pour l'instant, aucune date n'a été officialisée. Le ministère de l'Intérieur promet seulement que le démantèlement de la "jungle" sera annoncé à l'avance. En réalité, ce ne sera pas la première fois que des migrants sont déplacés puisque depuis un an, 6.000 d'entre eux ont été emmenés dans ce type de centres. Il y a encore eu des départs mercredi matin.
D'ailleurs, à Calais, les réfugiés sont préparés. La nouveauté, selon les associations, c'est que cette fois-ci, nombre d'entre eux sont volontaires pour demander l'asile en France, comme ce jeune Pakistanais. "Beaucoup de réfugiés veulent se mettre à l'abri dans des centres, et rester ici en France. Moi, j'attends toujours d'être hébergé. il faut que ça aille vite, parce qu'ils vont bientôt évacuer, et détruire le camp..."
Que faire de ceux qui veulent rester ? C'est l'une des craintes des associations. Mardi, Emmaüs n'a pas eu de réponse à cette question. Toute la "jungle", y compris les installations solides, sont destinées à disparaître. Pour les migrants qui reviendront tenter de passer en Angleterre, aucune solution de repli n'est prévue. Le gouvernement y réfléchit mais refuse de maintenir la moindre structure. "Il faut changer d'époque", confiait un conseiller au micro d'Europe 1.