"Mon mari est agriculteur, je suis agricultrice. Nos enfants vivent dans ce mal-être, ils nous entendent parler." Les mots de cette exploitante sont symboliques de l'évolution du monde agricole français. Alors que les agriculteurs exposent leur colère depuis plus d'une semaine partout en France, ils font aussi le constat d'un métier en danger.
Dans la prochaine décennie, la moitié des 500.000 agriculteurs partira à la retraite. Découragés par les nombreuses contraintes, les candidats à la reprise se font de plus en plus rare, notamment chez les propres enfants des exploitants qui délaissent les terres de leur parents.
>> LIRE AUSSI - «Tout est à repenser» : pour ce viticulteur de Gironde, la crise agricole est aussi celle de la ruralité
La fin d'une histoire familiale de plusieurs générations
Ce que ces enfants voient, ce sont souvent des parents à bout : trop de travail, pas de temps libre, et tout cela pour un revenu dérisoire. "Ils vivent dans une m**** économique presque toute leur jeunesse. Les vacances, ils n'ont pas connu", abonde un agriculteur au micro d'Europe 1. Un jeune embraye : "Il y en a qui continuent quand même, par pitié. Ils se disent 'c'était à mes parents avant, ça fait c**** quand ça part en dehors de la famille'".
C'est pourtant de plus en plus le cas. Cela marque la fin d'une histoire familiale longue de plusieurs générations, et c'est un crève-cœur pour beaucoup. "Il y a des agriculteurs qui ont travaillé toute leur vie pour transmettre, et qui là ne transmettront pas", regrette un autre exploitant. "J'ai hérité de mes parents. C'est une valeur familiale, et ça va partir", dit un autre, fataliste.
Un bouleversement du paysage rural
Ce qui partira n'est pas seulement un héritage, c'est aussi un modèle agricole basé sur la diversité des pratiques. L'élevage est notamment de plus en plus menacé, remplacé par des cultures céréalières moins chronophages, plus rentables certes, mais pas sans conséquences, rappelle ce professionnel de la terre. "Quand on arrête de traire, on laboure. Ces prairies n'avaient pas de produits phytosanitaires, mais aujourd'hui, elles sont traitées. C'est une ânerie finalement pour l'environnement", explique-t-il.
Avec en moyenne une seule installation pour trois départs en France, c'est tout le paysage rural qui est à l'aube d'un bouleversement.