Deux Toulousains, partis en Syrie en 2013, risquent d'être renvoyés devant les assises et non plus en correctionnelle au terme d'une âpre bataille juridique qui illustre le durcissement de la politique pénale en matière terroriste. Les deux jeunes hommes, âgés de 21 et 22 ans, s'étaient rendus en Syrie de mai à août 2013. Ils avaient été photographiés, en tenue de combat, armes à la main, l'un des clichés montrant le plus jeune d'entre eux tenant une tête décapitée. Certaines photos avaient été mises en ligne sur les réseaux sociaux. Une fois rentrés en France, ils sont soupçonnés d'avoir été en contact avec plusieurs personnes désireuses de se rendre en Syrie et d'avoir voulu retourner dans le pays. Ils avaient été mis en examen le 19 décembre 2014 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, un délit qui relève donc du tribunal correctionnel, passible au maximum de dix ans d'emprisonnement.
"Des indices graves et concordants". Mais le parquet avait demandé que soit retenu le caractère criminel de l'association de malfaiteurs qui leur est reprochée, des faits relevant cette fois de la cour d'assises et passibles de trente ans de réclusion. Le juge d'instruction, puis la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris avait refusé cette requalification. Le ministère public s'était alors pourvu en cassation, et la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire avait en juillet cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction, renvoyant l'affaire devant une chambre autrement composée. Cette dernière a estimé jeudi que "des indices graves et concordants" permettent de retenir le caractère criminel des faits reprochés, a-t-on appris de source proche de l'enquête.
Un cas "qui risque de faire jurisprudence". Le juge devrait donc requalifier le chef de mise en examen et les deux jeunes, écroués en région parisienne, risquent désormais d'être renvoyés devant les assises. "Ce cas risque de faire jurisprudence et consolide la nouvelle orientation décidée récemment par le ministère public", relève une source proche du dossier. Le procureur de la République de Paris, François Molins, avait rappelé début septembre que son parquet avait décidé "un durcissement considérable de sa politique pénale en criminalisant des dossiers correctionnels" de personnes parties rejoindre les rangs d'organisations djihadistes en zone irako-syrienne.
"Aucun élément objectif ne permet de dire que ces jeunes garçons, âgés de 18 ans au moment des faits, ont pris part à des combats. On leur avait dit qu'ils allaient venir en aide aux populations civiles, mais en fait ils ont été piégés : on a utilisé leur image comme outil de propagande", a déclaré l'avocat de l'un d'entre eux, Me Nicolas Raynaud de Lage. "Ils subissent l'impact politique et médiatique de la vague d'attentats qui secoue la France depuis janvier 2015", a estimé l'avocat.