Après Volkswagen, Renault pourrait devoir répondre devant la justice d'irrégularités présumées dans la dépollution de ses moteurs diesel, que le premier groupe automobile français a contestées mercredi en se disant déterminé à faire "valoir ses droits".
Une douzaine de constructeurs concernés. Le ministère de l'Economie a annoncé mercredi soir que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait décidé de transmettre au parquet de Nanterre les conclusions de son enquête sur les émissions polluantes des véhicules diesel de l'entreprise au losange. La répression des fraudes a souligné que son enquête concernait "les pratiques relatives aux émissions d'oxydes d'azote (NOx) d'une douzaine de constructeurs automobiles commercialisant des véhicules diesel en France". De source proche de Bercy, cette enquête administrative se poursuit au-delà du cas de Renault.
Outre des résultats de tests menés sur des véhicules, la DGCCRF s'est appuyée "sur l'analyse de documents saisis au cours d'une perquisition dans les locaux du constructeur et sur l'audition de représentants de l'entreprise", a précisé Bercy dans un communiqué, remarquant qu'"il revenait maintenant à la justice de donner les suites qu'elle jugerait nécessaires à ces manquements présumés". Le groupe automobile, disant prendre acte de cette décision, a lui aussi souligné que c'était désormais "au procureur de la République" qu'il appartenait "le cas échéant, de décider des suites à donner".
Renault affirme qu'il "respecte la législation française et européenne." "Le groupe Renault réaffirme sa détermination à faire valoir ses droits pour défendre l'intérêt social de l'entreprise, ses salariés et ses actionnaires", a ajouté l'entreprise dirigée par Carlos Ghosn dans un communiqué. Elle a répété les arguments qu'elle énonce depuis que la perquisition de la DGCCRF dans ses locaux a été révélée en janvier dernier, provoquant un effondrement de la valeur de son titre en Bourse.
En premier lieu, elle "respecte la législation française et européenne". "Les véhicules Renault ont tous et toujours été homologués conformément à la loi et aux réglementations. Ils sont conformes aux normes en vigueur" et "ne sont pas équipés de logiciels de fraude aux dispositifs de dépollution", a assuré le groupe.
Les suites du scandale Volkswagen. L'affaire découle du scandale des programmes de gestion des moteurs diesel truqués par Volkswagen pour les faire passer pour moins polluants qu'ils n'étaient, dévoilée en septembre 2015 aux États-Unis. La DGCCRF, qui avait immédiatement ouvert une enquête, a déjà transmis ses conclusions relatives au groupe allemand à la justice, et le parquet de Paris a annoncé en mars dernier avoir décidé l'ouverture d'une instruction pour "tromperie aggravée".
Parallèlement, le gouvernement a mis en place une commission d'experts indépendants dont les travaux ont mis en évidence d'importants dépassements de seuils d'homologation sur les émissions de véhicules diesel, dont des Renault.
Une législation renforcée sur les contrôles d'émissions. L'affaire Volkswagen a non seulement ébranlé le géant allemand mais aussi jeté la lumière sur le décalage entre les normes d'homologation en laboratoire et les émissions polluantes en conditions réelles d'utilisation, qu'il s'agisse des NOx ou du CO2. Ces normes sont en cours de resserrement au niveau européen, et les tolérances dans leur application vont de même être réduites. De son côté, Renault a présenté en mars un plan d'action technique pour réduire les émissions de NOx de ses moteurs diesel, assurant mercredi qu'il avait été "jugé transparent, satisfaisant et crédible" par les experts de la commission technique.
Un "piège à NOx" moins efficace en conditions réelles. Ces experts, qui poursuivent leurs travaux, avaient dans un rapport rendu fin juillet indiqué ne pas pouvoir exclure que d'autres marques que Volkswagen aient recours à des logiciels "tricheurs", malgré leurs dénégations. Ces travaux ont aussi montré que la technologie du "piège à NOx", qui détruit ces émissions nocives par combustion et est utilisée par Renault sur ses véhicules diesel, était globalement moins efficace en conditions réelles que celle par injection d'urée (SCR), plus complexe et coûteuse.
C'est au SCR qu'a recours depuis plusieurs années sur ses véhicules diesel le groupe PSA, en passe de céder cette année à Renault la place de premier constructeur français en unités produites. Or, lui aussi a été perquisitionné par la DGCCRF, en avril. De son côté, Carlos Ghosn a affirmé fin septembre, lors du Mondial de Paris, qu'il était "totalement déterminé à collaborer à tous les niveaux" dans ce dossier.