Anna allume son ordinateur, il est presque 14h, le cours va commencer. Elle a aménagé un petit bureau dans un studio du 10e arrondissement où elle est accueillie depuis son arrivée à Paris. La jeune enseignante de 24 ans, qui vivait à Odessa avant le début de la guerre, a laissé derrière elle l’école privée où elle enseignait, ses élèves, ses parents et ses frères. Elle a traversé la Moldavie, la Roumanie, avant d’être recueillie par un peintre dans ce petit appartement sous les toits.
"Les cours en ligne sont un point de stabilité dans leur vie"
Anna noue ses longues dreadlocks rousses au sommet de sa tête. Les trois élèves de 11 à 12 ans se connectent pour le cours du jour. Les visages s’illuminent lorsque leur professeur apparaît à l’écran.
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"Comment ça va ? Quel jour sommes-nous ?", commence par demander Anna, en français. Les réponses sont parfois hésitantes. L'enseignante corrige, rectifie, avec bienveillance. "Pour les élèves ukrainiens, les cours en ligne sont un point de stabilité dans leur vie. C’est un échange. Je n'arrive pas juste dans une classe, je donne mon cours et c'est tout. Quand on est leur professeur, on fait partie de leur vie", sourit Anna. "L’école n’est pas seulement le bâtiment. Aujourd’hui, ils peuvent voir que l’apprentissage peut continuer dans n’importe quelle situation", poursuit-elle.
Retrouver ses élèves "dans une Ukraine en paix"
Le cours d’aujourd’hui est consacré au futur proche. Sur l’écran, Marguarita, 11 ans, le front plissé par la concentration derrière sa frange brune, récite ses conjugaisons. "Les cours de français font partie des choses qui me rendent la plus heureuse en ce moment. C’est très bien organisé, on apprend plein de choses. Cela m’aide beaucoup à supporter la situation", s’enthousiasme Maguarita.
Le cours virtuel se termine au bout de 45 minutes, les "au revoir", toujours en français, fusent. Anna, dont le sourire ne paraît jamais s’éteindre, espère retrouver bientôt ses élèves dans leur salle de classe d’Odessa, mais "dans une Ukraine en paix".